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L'interprète grec
13 août 2012

« Finies les parades » : Une série qui menace la souveraineté de « Downton Abbey »

Auteur : Gerard Gilbert
Date : 11 août 2012
Source : The Independent

Avec Benedict Cumberbatch en tête d'affiche, et Tom Stoppard comme scénariste principal, l'adaptation de « Finies les parades », de la BBC, menace d'usurper la couronne du drame tout-puissant de l'ITV. Ils en discutent avec Gerard Gilbert

Benedict Cumberbatch est en train de feuilleter furieusement sur son iPhone, essayant de trouver une citation qu'il croit résumer le personnage qu'il incarne, Christopher Tietjens, dans le drame d'époque à venir sur la BBC, Finies les parades. La série de quatre romans, écrits par Ford Madox Ford entre 1924 et 1928, a été adaptée à la télé par Sir Tom Stoppard.

« Chaque scénario que je reçois, je le retiens sur mon portable, dit Cumberbatch d'un air égaré, prenant une pause pour me serrer la main. Il y a une merveilleuse scène dans le deuxième épisode où Valentine [son amante dans l'histoire] demande, 'Pourquoi est-ce que vous détestez ton pays?' et il dit, 'Je ne le déteste pas. J'adore tous les champs, toutes les haies. Ce que je déteste, c'est ce qu'on a fait à ce pays ; il a été envahi par les prêteurs sur gages.' Et bref, il se met à exposer les grandes lignes de sa propre vision conservatrice, qui est, en gros, assez féodale. » (1)

Ces paroles sont prononcées en un torrent qui sera familier à tous ceux qui connaissent Cumberbatch et son esprit agité et plein d'énergie - mais les comparaisons avec sa création la mieux connue, le Sherlock Holmes de la BBC1, ne sont pas la bienvenue. « Puisque je suis bavarde, probablement parce que je suis nerveux, on me lance la même étiquette de dément, » dit-il.

Finies les parades dépeint la vie de Tietjens, « le dernier Tory », un brillant statisticien qui travaille au sein du gouvernement et provient d'une famille riche de l'aristocratie terrienne de l'époque d'Edward VII, qui est marié avec une mondaine nonchalante et adultère, Sylvia (Rebecca Hall). Malgré l'humiliation qu'il ressent en face du public, il refuse de divorcer d'elle, à cause de ce qu'il appelle sa « parade » - un code d'éthiques démodé, qui est mis en épreuve par le carnage en masse de la Première Guerre Mondiale, puis par l'amour croissant que Tietjens éprouve pour une jeune suffragette, Valentine (incarnée par une nouvelle arrivée australienne, Adelaide Clemens). C'est un voyage, dit Cumberbatch, du romanticisme au modernisme.

Les cinq épisodes, qui durent chacun une heure, ont été tournés d'une manière frappante par la réalisatrice Susanna White (Bleak House, Generation Kill), avec de petits hommages aux mouvements artistiques du modernisme, tels le Vorticisme et le Cubisme. Mais puisqu'elle suit la même caste aristocratique de l'époque d'Edward VII, au cours de la Première Guerre Mondiale et jusqu'à dans les année 1920, est-ce qu'on pourrait justement considérer Finies les parades comme « Downton Abbeypour les intellectuels » ? « Je crois que c'est une étiquette un peu grossière, dit Cumberbatch. Je ne veux pas dénigrer ce que vous dites, mais toutes les comparaisons sont dangereuses. » Pourtant, sans mentionner de noms, il dit plus tard que Finies les parades ne sera pas « une daube de barre de chocolat au lait, facilement digérée le dimanche soir … ce sera dur à regarder, mais si vous poursuivez avec cette série, elle vous remboursera avec les intérêts. »

Tom Stoppard, qui n'a rien écrit pour la BBC depuis 1979, a commencé à travailler sur son adaptation il y a quatre ans, bien avant que Downton Abbey n'a séduit le monde, et bien avant ce que Stoppard appèle « le festival actuel du snobisme ». « Ça me passionnait déjà, avant le jour où j'ai entendu parler de Downton Abbey, décidant de ne pas le regarder, » dit-il, avant d'ajouter que « parfois les grands esprits se rencontrent ».

« Un jour, je me souviens, un ami m'a raconté qu'il est allé dîner dans un manoir de l'aristocratie terrienne, et il a dit à son hôte, 'Votre majordome est très impressionnant.' L'hôte a répondu : 'Pas tout à fait ; il achète ses condiments.' J'ai mis ça dans 'Finies les parades', puis quelqu'un m'a dit que Maggie Smith dit quelque chose du genre dans Downton Abbey (en fait, c'était dans le scénario qu'a écrit Julian Fellowes pour le Gosford Park de Robert Altman, où le personnage de Maggie Smith dédaigne 'la confiture achetée… comme c'est faible'). En tout cas, j'ai téléphoné à Julian Fellowes et il m'a dit, 'Oh, faites comme vous faites(2), ne vous en inquiétez pas' - alors je l'ai supprimé, puis je l'ai remis. En fin de compte, les similarités entre ces drames sont beaucoup, beaucoup moins importantes que leurs différences. »

En effet, il est très peu probable que la subtilité des ambiguïtés morales et la complexité des métaphores historiques dans Finies les parades fassent appel au grand public qui dévore Downton Abbey, qui ressemble, sans en avoir honte, à un feuilleton.(3) « C'est plus ambitieux, acquiesce Stoppard, qui a travaillé 15 mois sur son scénario - ayant lu les livres pour la première fois, dit-il, à la plage Copacabana, à Rio, un lieu très incongru. C'est l'un des romans modernistes essentiels. Voici la période où La terre veine [de T.S. Eliot] et Ulysses [de James Joyce] sont sortis. Ça n'a jamais connu de grand succès, mais j'ai rencontré quatre ou cinq personnes qui m'ont dit, 'Oh, vous adaptez Finies les parades, c'est mon roman préféré.'

« Je dois avouer que j'ai vraiment adoré ce travail, poursuit-il. Ford écrivait à une époque où il s'intéressait aux expériences - il vous dépose à l'intérieur l'esprit d'une personne, et parfois, cette personne a des pensées très confuses, et il faut naviguer un labyrinthe mental. Il y a seulement quelques jours, j'ai parlé avec quelqu'un de Gatsby le Magnifique [de F. Scott Fitzgerald], des films et du roman. Personnellement, je crois que Gatsby le Magnifique est un roman magnifique, mais comment est-ce qu'on adapte sa magnitude en un scénario ? »

Stoppard est préoccupé par les adaptations en ce moment, puisqu'en même temps il a écrit le scénario pour l'adaptation à venir d'Anna Karénine, avec Keira Knightley. En fait, pendant notre entretien, il reçoit un appel de Joe Wright, réalisateur d'Anna Karénine. « Le tournage des deux projets a eu lieu presque en même temps, dit Stoppard. Si je reçois un appel à propos de Finies les parades pendant que je parle avec Joe, je dis : 'Je suis navré, c'est ma maîtresse,' et si je parle avec Susanna (White) et Joe me téléphone, je dis, 'Je suis désolé, Susanna, il faut que je parle avec ma maîtresse.' Ils croient tous les deux qu'ils sont mariés avec moi. »

Stoppard et White avaient Cumberbatch en tête depuis le début. Pourtant, c'était avant que Sherlockne lui a donné un renom international, et puisque la moitié du budget de £12.000.000 provenait de chez HBO, les américains étaient incertains. « D'après nous, il était bien connu, dit Stoppard. J'avais vu Benedict jouer à l'Almeida [théâtre à Londres] et ailleurs, et je savais qu'il était magnifique, mais il n'était point une vedette. Sherlock est arrivé pendant que nous le construisions, ce qui nous a beaucoup aidés. »

La cour constante et presque effrayante qu'a faite Stoppard à son acteur principal a commencé pendant une visite au plateau de Cheval de guerre. « Tom ne cessait pas de me regarder de travers et il m'a dit, 'Vous avez eu une année merveilleuse, extraordinaire, Benedict', dit Cumberbatch. C'était très gentil, mais la conversation avait quelque chose d'un peu bizarre, et plus tard il m'a avoué que c'était très douloureux pour lui, parce qu'il voulait m'offrir le rôle sur place.

« Ce qui est drôle, c'est qu'il y avait certaines choses que je ne pouvais pas surmonter. Christopher est un homme grand et ça m'a vraiment détourné au début. Je voulais qu'il soit plus gros, plus rond ; je pensais au jeune [Michael] Gambon, ou - ose-je le dire - Matthew Macfadyen [acteur dans Spooks et M. Darcy dans Orgueil et Préjugés, 2005]. J'ai déjà dit ça - il me donnera un coup de poing dès notre prochaine rencontre.

« Me voici, cet homme élancé, et usé jusqu'aux os par Frankenstein (au Théâtre National). Puis avecSherlock, j'ai dû être de nouveau mince comme un whippet, mangeant des galettes de riz, et courant et nageant beaucoup. J'ai dû mettre une combinaison de grosseur [? c'est un costume qui le fait sembler plus gros] et des pulpeux dans mes joues (pour Finies les Parades). J'aurais voulu qu'on le pousse plus loin, mais on m'a empêché d'aller jusqu'au bout, car ils voulaient un pin-up. Il faut qu'il soit beau, car sinon, pourquoi est-ce qu'une fille aussi belle que Valentine tomberait amoureuse de lui ? »

Enfin, Cumberbatch s'est envisagé dans le rôle à travers le Maire de Londres. « Je l'ai imaginé comme Boris Johnson au début, dit-il. Un bouffon furieusement intelligent mais plutôt lourdaud. »

Est-ce que le comédien aspire désormais à un départ de tous ces hommes furieusement intelligents qu'il ne cesse pas d'incarner ? « J'aimerais tant faire une comédie plus détendue où je ne fais rien que me soûler, » avoue-t-il. En fait, dans Finies les parades, et dans la nouvelle série de Sherlock, dont le tournage commence en janvier, nous regarderons Cumberbatch à la télé pour peut-être la dernière fois.

Incarner Khan, le méchant britannique obligatoire, dans le nouveau film Star Trek, qui sort l'année prochaine, et jouer aux côtés de Brad Pitt dans l'oeuvre la plus récente de Steve McQueen, 12 Years a Slave [12 années en tant qu'esclave], qui s'agit d'un New-Yorkais métis éduqué du XIXème siècle (Chiwetel Ejiofor) qui passe plus d'une décennie dans une plantation de coton après avoir été kidnappé, a stimulé l'appétit de Cumberbatch, qui vise une toile plus grande.

« Maintenant je joue au grand jeu, dit-il. Je vais aux studios pour rencontrer des directeurs et des chefs de production et je demande : 'Quels sont vos projets?' et ils disent, 'Ça et ça et ça.' Et vous savez qu'il y a cinq acteurs devant vous, qui ont le droit de refuser les rôles avant vous, donc il y aura des périodes en jachère, mais je ne peux pas me permettre de consacrer cinq mois de plus au théâtre, ni de faire un autre grand projet à la télé.

« Je crois que c'est le bon moment. Je n'ai personne qui compte sur moi. Jouer un peu au jeu, ça m'intéresse, car on a beaucoup plus de choix. Ça vous donne le pouvoir, et si vous devenez essentiel à cette machine, ça vous donne une plus grande variété, ce que j'ai toujours désirée. Depuis toujours, l'important pour ma carrière, c'est la longévité - je n'ai jamais voulu être un feu de paille de l'adolescence. Brad Pitt, Clooney - ils se trouvent dans une position de privilège, dans la mesure où ce sont eux les hommes qui reçoivent le 'film screen net' [une partie des gains au box-office] et il y a environ cinq personnes au monde qui sont capables de faire ça. Ils sont de parfaits modèles. »

Finies les parades commence vendredi le 24 août sur BBC2


Notes

1 Les paroles de Benedict étaient plutôt : « il se met à exposer les grandes lignes de sa vision du Toryisme », mais la phrase, en anglais, est mal construite, et le sens n'est pas clair du tout. L'exposition de Christopher est une critique du système du point de vue d'un Tory, et non pas une critique du Toryisme.

2 L'expression anglaise 'carry on' - littéralement 'continuer' - est difficile à traduire. Sa plus célèbre apparition est dans le slogan, 'Keep Calm and Carry On', ce qui veut dire, 'Restez Calme et Poursuivez [en vous opposant à l'adversité]' mais c'est vraiment une phrase qui est perdue à la traduction. C'est un résumé de la disposition anglaise : si tout va mal, nous poursuivons comme si rien n'était. Il y a aussi un verbe familier, 'carry-on', ce qui veut dire, 'faire des histoires'. Dans le sens où Julian Fellowes l'a utilisée, c'est la manière dont un directeur le dirait à ses employés s'il entrait pour vérifier que tout allait bien et ils cessaient de travailler pour répondre à ses besoins ; il dirait peut-être 'carry on!' ce qui veut dire, 'continuez à faire ce que vous faisiez'. Mais il ne serait pas juste de le traduire ainsi dans ce cas car il y a aussi une implication de réconfort, 'Non, continuez à faire comme ça, vous ne faites pas d'erreur, ça va'.

3 L'anglais dit 'unashamedly sudsy'. 'Sudsy' veut dire « écumant ». Je ne sais pas donc ce que l'auteur entend, à part dénigrer Downton Abbey ; mais un synonyme de 'sudsy' est 'soapy', ce qui m'a faite penser à 'soap', la traduction de « feuilleton ».

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