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L'interprète grec
14 août 2012

Naissance d'un Watson, naissance d'un canon

Auteur : Brad Keefauver
Date: septembre 2000
Source : The Holmes & Watson Report Article Archive, SherlockPeoria

C'est une pensée douloureuse, mais vraie : l'étude naturelle des Sherlockiens étant Sherlock, les affaires dans la vie du Docteur John Watson se trouvent parfois en bas de l'affiche.

« Mais non ! s'exclame le Sherlockien friand d'expressions françaises. Nous avons prêté beaucoup d'attention à Watson : à ses blessures, à ses mariages, à son deuxième prénom… »

Et pourtant, je dois le demander : et à son anniversaire ?

L'anniversaire de Sherlock Holmes est une fête annuelle chez notre réunion Sherlock Holmes la plus grande, le weekend des Baker Street Irregulars. Les arguments en faveur de la date du 6 janvier comme l'anniversaire de Holmes sont inscrits dans la légende : les références à la veille de l'Épiphanie, le petit déjeuner non goûté du début de La vallée de la peur - un gueule de bois après la fête d'anniversaire de la veille. (1) Malgré d'autres propositions, cette date du 6 janvier reste l'une des choses qu'on mettrait dans un livre élémentaire pour le Sherlockien débutant… l'une des conclusions de base, et l'une des plus chères, des études Sherlockiennes.

Quant à l'anniversaire de Watson : quelqu'un se souvient de la date ? Des idées ?

Dans sa brochure, Watsoniana, Elliot Kimball a mis le 7 juillet, 1852 comme la date de l'anniversaire de Watson. (Bien sûr, il a également soutenu que le deuxième prénom de Watson fût « Hubert ».) Dans son Sherlock Holmes Annoté, William S. Baring-Gould constate que plusieurs commentateurs soutiennent le 7 juillet, puisque Watson a bu du Beaune [vin] avec son déjeuner pour fêter. Pour n'importe quel Sherlockien, il est épouvantable de contempler une fête ce jour-ci… L'agent littéraire de Watson [i.e. Arthur Conan Doyle] est mort ce jour-même en 1930, et je ne crois pas que ce fût parce qu'il a trop bu à la fête d'anniversaire de Watson. D'autres qui ont compilé les informations plus tard, tel Matthew Bunson dans son Encyclopédie Sherlockiana, suit ces deux-ci sans protester, mais je ne m'empêche pas de me demander : on ne peut pas faire mieux ?

Bon, tout le monde sait que Sherlock Holmes est le Docteur Watson étaient assez jeunes durant les années 1880. Donc, pourquoi Holmes a-t-il le droit de fêter son anniversaire jusqu'à en avoir la gueule de bois, alors que Watson se contente d'un peu de vin au déjeuner, bien qu'il ne soit pas encore marié ? Avec qui est-ce que Holmes fêtait, autant qu'il s'est soûlé ? Est-ce qu'on priverait Watson de la sorte d'anniversaire fou qui exige que l'on souffre un peu le lendemain ? Bien sûr que non !

À l'aide du système de datation éternel de la gueule de bois, j'aimerais donc proposer le début du Ruban moucheté comme le lendemain de l'anniversaire de Watson. Ce matin d'avril en 1883, Holmes réveille un Watson un peu amer à 7h15 du matin, le médecin étant plutôt en rogne, car il s'attendait à ce que Holmes fasse la grasse matinée. Le soleil, d'après Violet Stoner, s'est levé bien avant six heures ce matin-là, alors il n'est guère dur de se réveiller à 7h15… à moins que, bien sûr, on n'ait passé une nuit à la dure la veille.

Quant à la date exacte de cette gueule de bois… les indices sont assez clairs : « Au début d'avril, en 1893 », et un jour où les ouvriers ne travaillaient pas sur la réparation du manoir Stoke Moran (Sunday étant le jour traditionnel de congé). Le premier dimanche d'avril 1893 tombe sur le premier jour du mois, et là, comme l'a écrit Nathan Bengis au cours de la recherche de l'anniversaire de Holmes, c'est « une journée pour les tours de passe-passe ».

Accompagnez-moi dans le passé, jusqu'au 31 mars 1853. Maman Watson accouche tard dans la soirée, et ce n'est pas un accouchement particulièrement facile. Donner la vie à une légende n'est jamais facile, et en attendant, le foyer perd la notion du temps. Une fois l'accouchement terminé, et l'enfant né, plus de temps écoule pendant qu'on s'occupe de la mère et du bébé. Quand tout est fini, personne n'est certain si le jeune John H. Watson est né avant minuit, le 31 mars, ou tôt dans le matin du premier avril. Comme leur fils, les Watson n'étaient jamais doués pour les dates - c'est génétique, vous voyez.

« Mais le 1, c'est les Poissons d'Avril ! proteste l'un de ses parents. Il ne faut pas que notre fils grandisse en pensant qu'il soit un imbécile sans cerveau. »

On décide donc que le 31 mars, 1853 sera l'anniversaire officiel du petit John H. Watson. S'il est un imbécile ou non, le temps et le destin le décideront… ainsi que les réalisateurs de Hollywood. Mais notre histoire ne s'y termine pas, bien sûr. Trente ans plus tard, John H. Watson fête son trentième anniversaire le 31 mars, 1883. Ce n'est pas un âge très agréable pour lui … il doit encore se marier, il souffre encore des suites des blessures obtenues au cours de sa carrière militaire de courte durée, et il n'a ni l'argent ni l'énergie nécessaire pour ouvrir son propre cabinet. Comme tous ceux qui fêtent un anniversaire important, Watson met sa vie jusqu'à maintenant en doute : Qu'est-ce qu'il a accompli ? Quelles sont les preuves de son existence sur Terre ? Et il n'aime pas les réponses qu'il a trouvées quand il se couche enfin cette nuit.

Mais le lendemain n'apporte pas un poisson d'avril quelconque, mais Grimsby Roylott. Sans que le bon vieux Watson, qui fête son anniversaire cette dernière nuit de mars, le sache, un beau-père meurtrier et avec une imagination particulièrement vive est en train de se débarrasser de sa belle-fille avec une espèce de serpent particulièrement rare. Comme Watson le dirait plus tard :

« En feuilletant mes notes sur les soixante-dix enquêtes au cours des huit dernières années, où j'ai étudié les méthodes de mon ami Sherlock Holmes … De toutes ces enquêtes de grande variété, pourtant, je ne m'en rappelle pas une seule qui ait présenté des éléments plus curieux que celle qui concernait la famille bien connue des Roylott, qui habitaient Stoke Moran. »

Puisque le Dr. Watson n'a commencé d'écrire et publier les enquêtes de Holmes en masse qu'après la « mort » de son ami aux Chutes du Reichenbach, on peut soutenir que ses paroles, « les huits dernières années », font référence aux huit ans entre Le ruban moucheté en avril 1893 et Le problème final en mai 1891. Ainsi il semblera qu'on ne tienne pas compte d' Une étude en rouge, cequi, selon la plupart des adeptes, a eu lieu en 1881. Pourquoi 1881 ? Parce que ça colle bien avec les dates de la carrière militaire de Watson… Watson et Holmes se rencontrèrent et emménagèrent ensemble en 1881. Ce n'est qu'en regardant de près l'enquête qui a mené à la capture de Jefferson Hope, l'enquête policière détaillée dans Une étude en rouge, qu'on remarque qu'il se peut que l'affaire n'ait pas eu lieu en 1881.

Les évènements de l'affaire de Drebber/Strangerson/Hope commencent le 4 mars, un mardi. Le seul problème, c'est que le 4 mars n'était pas un mardi en 1881. Ni en 1882. Ni en 1883. Ce n'est qu'en 1884, l'année après Le ruban moucheté, que le 4 mars tombe le mardi. Dans sa narration, Watson laisse passer une durée indéterminée entre sa première rencontre/emménagement avec Holmes, et l'enquête du meurtre de Brixton Road, un acte bien délibéré, pour tenir compte des autres enquêtes qu'ils ont menées entre sa rencontre avec Holmes et l'affaire qu'il a nommée Une étude en rouge. Et il l'a fait surtout pour cacher cette affaire fascinante qui, pour la première fois, lui a donné l'idée de publier les enquêtes de Holmes pour le public… l'affaire qu'on connaitrait plus tard sous le nom du Ruban moucheté.

« Je ne m'en rappelle pas une seule qui ait présenté des éléments plus curieux, » écrit Watson, au sujet de l'enquête qui a eu lieu quatre ans avant qu'il n'a publié Une étude en rouge. Pourquoi donc est-ce qu'il n'a pas mis en avant son pied le plus fort, en publiant en premier l'enquête la plus intéressante ? Il le dit de son propre gré : « Il était possible que je les documente plus tôt, mais j'ai fait une promesse de silence à l'époque, dont je n'ai été libéré que ce dernier mois, par la mort imprévue de la jeune femme à laquelle j'ai fait ce voeu. »

En 1883, des années avant que Watson n'envoya Une étude en rouge à la maison d'édition, le Dr. Watson promettait à Violet Stoner qu'il ne publierait son histoire qu'après sa mort ? Pourquoi ferait-il cette promesse, s'il n'avait ni écrit ni publié les enquêtes de Holmes avant 1893 ? À moins que Le ruban moucheté ne fût l'affaire qui l'a mené à penser que ces enquêtes de Sherlock Holmes avaient peut-être une valeur littéraire. À moins que ce ne fût une aventure si remarquable qu'il a demandé à Mlle Stoner de le documenter dès qu'elle s'était terminée.

Elle lui a demandé de s'en retenir, bien sûr et, prenant ses paroles à coeur, Watson ne documenta pas d'autres enquêtes, jusqu'à ce qu'il tomba sur Une étude en rouge en 1894… Une affaire où tous les personnages principaux (à part ceux qui menaient l'enquête) étaient morts à la fin de l'histoire. Personne ne pourrait refuser de le laisser publier celle-là ; et les officiers de Scotland Yard [police de Londres] concernés voyaient leur nom dans les journaux tous les jours.

Alors, nous trouvons que non seulement John H. Watson, M.D. est-il né le 31 mars 1852, le canon Sherlockien lui-même est né pour de vrai le 1 avril 1883. Au début de ses 30 ans, Dr. Watson a enfin trouvé son vrai destin : documenter les enquêtes de Sherlock Holmes, détective consultant. Apparemment, il a gardé le contact avec Helen Stomer-Armitage après, et son mari Percy était sans doute celui qui a informé Watson de la mort soudaine de sa femme, probablement en remerciant Watson pour ce qu'il avait fait pour sauver la vie à Helen, de sorte que Percy puisse passer avec elle ces années précieuses, aussi peu qu'elles fussent. Et bien que Watson ne pût plus publier Le ruban moucheté en tant que le premier conte du canon Sherlockien, il pouvait accorder une honneur discrète à l'histoire de Helen Armitage en la mettant en dixième position. Mais pourquoi, demandez-vous, pourquoi est-ce qu'il a continué à nous laisser croire que c'était Une étude en rouge la première enquête ?

Parce que ce ne sont pas les imbéciles qui naissent le 1 avril (ou la veille), mais les farceurs avec un humour rusé qui font de nous autres des imbéciles.

 

1 À l'époque, on fêtait la fin de la période de Noël le soir du 5 janvier. 

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