Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'interprète grec

25 août 2014

Pourquoi les adaptations récentes de Sherlock Holmes se trompent-elles toutes dans la représentation d'Irene Adler ?

Auteur : Esther Inglis-Arkell

Date : 4 janvier 2013

Source : io9

Irene Adler n’a apparu que dans une seule nouvelle d’Arthur Conan Doyle, mais pour les lecteurs elle joue néanmoins un rôle central dans le « canon » de Sherlock Holmes. Et récemment, de nombreuses adaptations de Holmes ont débuté chacune sa version d’Adler. Ces Adler du 21ème siècle ont l’avantage d’être plutôt orientées vers l’action - mais dans plusieurs aspects importants elles font « vieux jeu » encore plus fort que l’originale victorienne.

Pourquoi l’Adler d’Arthur Conan Doyle est-elle tellement supérieure à celles façonnées par Steven Moffat et Guy Ritchie ?

Note : Spoilers pour les films de Sherlock Holmes réalisés par Guy Ritchie, par la série TV Sherlock, et évidemment pour les nouvelles de Doyle.

Les spectateurs modernes trouvent Irene Adler exceptionnelle parce que Holmes lui-même l’a trouvée exceptionnelle. Quand il parle d’elle c’est comme « la femme », car pour Holmes - décrit comme un misogyne « chevaleresque » dans les romans - elle a transcendé et « éclipsé » son sexe. Pour nous, elle éclipse même Holmes à un instant, puisqu’au cours de son histoire elle réussit à voir à travers son déguisement et à le duper à son tour. Bien qu’elle n’apparaisse que dans une seule nouvelle, Un Scandale à Bohême, pour ceux qui suivent les aventures de Sherlock Holmes elle est plus mémorable que tout autre personnage, sauf Watson et Moriarty.

Ce n’est donc pas étonnant si elle fait partie de toute franchise moderne inspirée de Sherlock Holmes. Elle a joué dans les films de Guy Ritchie, et elle s’est manifestée dans un épisode de la série Sherlock, intitulé Un Scandale à Buckingham. Les créateurs modernes donnent à ce personnage exceptionnel beaucoup plus d’action et de moments sensationnels que Doyle n’a écrit, et pourtant, dans la plupart des adaptations modernes, Irene Adler joue un rôle beaucoup plus traditionnel que celle de Doyle.

Quel est le premier indice qu’on nous montre dans les deux adaptations modernes ? C’est la scène où elle se déshabille devant Holmes pour le vexer jusqu’au point de se blouser. Ça c’est très « ruses féminines », ce qui est très agréable à voir sur l’écran, mais n’a pas beaucoup de sens. L’Irene originale était beaucoup plus progressive et astucieuse. Elle sait très bien comment mieux berner Holmes - et ce n’est pas par le sexe.

Afin de pouvoir examiner cette Irene Adler, et la façon dont elle diffère des interprétations modernes, il faut résumer Un Scandale à Bohème. Holmes reçoit un appel du roi d’un pays non spécifié. Le roi est fiancé à une femme qui est parfaite du point de vue politique, mais pour lui ce ne sont pas les premières fiançailles. Autrefois il était fiancé avec Irene Adler, chanteuse et comédienne. Cette dernière est en possession d’une photo d’eux, prise quand ils étaient heureux ensemble, avant qu’il ne l’a quittée pour éviter de se « mésallier ». Il craint qu’elle ne publie cette photo, faisant échouer ses fiançailles et apportant le tumulte à son pays. Il faut donc que Holmes récupère la photo. Bien que le roi ne soit pas très désirable, Adler est peignée comme une aventurière et une femme dangereusement méprisée. Holmes s’habille donc en curé, et monte une bagarre, au cours de laquelle il se blesse légèrement, de sorte qu’elle l’invite dans sa maison pour récupérer. Alors, Watson cause un incendie et Holmes observe Adler qui, entendant l’alarme, se précipite vers l’endroit où elle a caché la photo. Holmes s’excuse, et rentre, projetant de tout arranger pour que des gens aillent chez Irene le lendemain pour s’emparer de la photo. Au moment où il entre dans sa maison à Baker St, un jeune homme le salue en passant. Holmes incline la tête, évidemment confus, mais oublie l’échange.

Le lendemain, Holmes, Watson et le roi arrivent chez Adler, où une domestique les attend. Elle leur donne une note, qui révèle qu’Adler avait compris que quelque chose n’allait pas quand le curé avait disparu la veille. Elle avait entendu parler d’Holmes, et est arrivée à la bonne conclusion. Pour confirmer, elle a mis des vêtements d’homme - qu’elle porte parfois parce que, dit-elle, elle aime la sensation de liberté qu’ils lui accordent - a suivi le « curé » jusqu’à Baker St et a crié le nom de Holmes. Elle a décidé de fuir l’influence du roi en la compagnie d’un homme qu’elle a récemment épousé, et de quitter le pays. Adler conclut avec la déclaration que, puisqu’elle jouit de l’amour réciproque d’un « homme meilleur » que le roi, elle promet de ne jamais révéler les fiançailles. Elle a l’intention de garder la photo, uniquement pour assurer que le roi ne lui fasse jamais de mal. Holmes s’excuse auprès du roi, mais ce dernier s’exclame que la parole d’Adler est « inviolée » et qu’il est tout à fait satisfait.

Un Scandale à Bohême souligne les points forts que possède Irene Adler en tant que personnage. Elle n’est pas un grand détective comme Holmes, mais elle est capable d’évaluer une situation, de remarquer ce qui ne va pas, et de monter une rapide réponse. Grâce à son travail sur la scène, elle est également si habile en déguisements que le grand adepte de l’observation (comme supérieure à la vision seule) ne reconnait pas le visage et la voix d’une femme qu’il a vue une heure plus tôt. Au cours de la nouvelle, c’est Adler qui maîtrise la situation, initiant la menace au roi, trouvant un homme qu’elle aime de plus, épousant celui-ci, et quittant le pays quand elle en a eu assez du jeu avec Holmes et son client royal.

La nouvelle explique également le lien intellectuel entre Irene et Sherlock. Ils ont tous les deux démasqué un fraudeur (le roi, au début, est venu déguisé chez Holmes), ils reconnaissent tout les deux un coup monté, et ils ont tout les deux un don pour les déguisements dramatiques. De plus, la nouvelle expose la faiblesse de Holmes en tant que détective - il tire les pires conclusions à propos des gens. On voit cette faiblesse dans L’aventure du visage jaune aussi, où la solution d’une enquête lui échappe complètement parce qu’il ne s’attendait pas à des gens honorables.

Et voilà le tour inattendu que prend l’histoire d’Irene Adler - c’est une femme tout à fait honorable. Même le roi, qui devrait bien avoir peur d’elle, a confiance en sa nature honnête dès qu’elle promet de ne plus se mêler de sa vie. Voilà ce qui met la nouvelle de Doyle en avance de son temps. On parle beaucoup du fait qu’Adler se montre plus maline que Holmes, et justement. Mais plus impressionnante est la façon dont Doyle montre que les habitudes peu conventionnelles, le désir de régler sa propre vie, et un catalogue de conquêtes romantiques impressionnantes (Doyle fait un effort pour souligner qu’Irene Adler enchante presque n’importe quel homme qui la voie) ne sont que ça. Ça ne mène pas forcément à un bas caractère, des tendances criminelles, ou un intellect inférieur. Ce ne sont pas non plus les outils d’une aventurière ou d’une séductrice opportuniste qui attende le bon moment pour déchaîner sur l’héros sa sexualité apparemment fatale. Une femme intelligente, peu conventionnelle et attirante qui tient les commandes est, sans réserve, une chose de bien.

Il n’y a pas de quoi dans les adaptations modernes. Dans les deux franchises, Irene Adler n’est pas qu’une personne admirable avec un goût pour les investigations et l’aventure. Dans les films, elle est à la fois une femme qui épouse des hommes riches pour vivre, et une voleuse - on ne découvre jamais pourquoi un seul de ces deux emplois n’eût pas suffi. Dans la série TV, c’est une dominatrice qui tâte du chantage et joue un rôle dans des complots internationaux liés à des terroristes (et elle est du côté des terroristes). L’une et l’autre prennent appui sur la sexualité et la criminalité. Elles braquent leur sexe sur l’héros toutes les deux, et inévitablement, elles en paient le prix.

Et les deux Adler modernes partagent un autre défaut plus sérieux. Alors que l’Adler originale était indépendante, ces deux-ci sont toutes les deux manoeuvrées par Moriarty. L’Adler des films est un quelconque mélange d’une fille de courses et d’un appât sexuel pour Holmes. L’Adler de la série fait partie d’un complot élaboré qui a le but de révéler des secrets de l’état à des terroristes, puis de chanter le gouvernement britannique pour qu’il lui donne de l’argent en échange d’informations sur l’identité des citoyens britanniques qui sont en danger. Elle semble méchante, mais intelligente et aux commandes - jusqu’à son dernier discours malveillant, où elle avoue qu’elle n’aurait pas su quoi faire avec l’information qu’elle possédait, ni comment manier Holmes, si Moriarty ne l’avait pas aidée.

On peut certainement comprendre les difficultés que doivent affronter les Holmesiens modernes. Une femme vertueuse et qui aime son mari, qui s’éloigne de Holmes dès qu’elle le reconnait, est difficile à placer dans une intrigue mystérieuse. Et qu’il soit difficile d'insérer Adler dans l’histoire en tant que troisième alliée alors que le but de la série, c’est de se concentrer sur le partenariat de Holmes et de Watson qui sont mis en conflit avec le génie criminel le plus puissant du monde - ça se comprend. Mais une maîtresse du déguisement, plus maline que le détective le plus brillant de l’époque, et qui peut changer à volonté à quel genre elle semble appartenir, pourrait sûrement être utile dans une histoire. Dans le deuxième film de Ritchie, le point culminant tourne autour de Team Holmes alors qu’ils essaient de démasquer un homme qui s’est déguisé parfaitement. Irene Adler aurait collé très bien dans cette intrigue. Quant à Sherlock, la série vient de débuter, mais la meilleure façon d’employer Irene Adler, est-ce vraiment dans le rôle d’une femme éperdument amoureuse de Holmes - surtout quand ils en ont déjà une ?

Il est vrai que l’Adler de Doyle n’est pas entièrement moderne. Sans doute, Doyle fait appel au mariage pour signifier qu’elle a repris pied en ce qui concerne les liaisons avec les hommes. Et une femme qui se déguise en homme, bien que ce fût probablement peu commun dans la vie quotidienne, n’a rien de nouveau dans la littérature. On voit ça chez les héroïnes courageuses de l’époque de Shakespeare. Mais les Irene Adler modernes sont des marionnettes amorales qui déploient leurs ruses sexuelles pour manoeuvrer les hommes entre les griffes d’un maître infernal - et elles sont justement punies. Cette histoire date de la Genèse. Ce sont des femmes profondément traditionnelles dans des histoires profondément traditionnelles. Qu’on leur permette d’avoir du punch ou de manier une cravache, ça ne fait rien pour mettre à jour cet archétype. Il faut quelque chose de plus fort. Mais pourquoi s’en faire quand il suffit qu’Irene Adler se mette nue, batte les cils dans la direction de Sherlock Holmes, et finisse par se faire sauver ?

Publicité
Publicité
8 janvier 2014

Sherlock et Doctor Who : il faut se protéger contre les fans qui veulent influencer leurs séries préférées

Auteur : Mark Lawson

Date : 3 janvier 2014

Source : Guardian

 

Les intrigues de Sherlock et de Doctor Who sont sculptées par leurs fans - mais les séries populaires doivent faire appel au plus grand public ainsi qu’une bande étriquée de fanatiques

 

Entre Doctor Who et Sherlock, il y a des liens d’inspiration - Steven Moffat et Mark Gatiss se trouvent parmi les écrivains des deux séries - et d’impact : la BBC a diffusé ces séries dans la première partie de la soirée, l’une le 25 décembre, l’autre le 1 janvier. Mais ces épisodes spéciaux ont également souligné un autre élément qui lie les deux séries : elles sont en train de redéfinir, de façon importante, la relation entre une série télévisée et ses fans. 

Au cours de l’histoire de la télévision, les fans ont toujours eu une vue de l’extérieur. Les créateurs offraient les nouveaux épisodes et les nouvelles saisons au public, qui n’avait pas d’influence sur le produit si ce n’était pour augmenter ou réduire les indices d’écoute qui pourraient dicter si on allait en faire une nouvelle saison ou pas. Récemment, pourtant, les sites web et les médias sociaux, par les aperçus, l’effet du temps réel et la discussion entre les spectateurs, ont changé nos façons de regarder une série au point qu’elles ne sont plus reconnaissables. Mais ça n’a pas non plus réellement affecté les séries elles-mêmes, à part pour des exemples tirés des dernières années, tels qu’Arrested Development et Ripper Street, des séries annulées par une chaîne puis sauvées grâce à des pétitions en ligne.

Et l’épisode de Doctor Who du 25 décembre, et celui de Sherlock du 1 janvier, s’ils n’étaient pas tout à fait interactifs, répondaient, aux moments cruciaux, à la réaction des fans. ‘The Time of the Doctor’, écrit par Steven Moffat, comprenait un rebondissement qui a accordé au Time Lord douze régénérations de plus, et ainsi résolvait (du moins, pour les réalisateurs) le problème, que les fans ont beaucoup discuté, de la règle originale selon laquelle le Docteur n’aurait pu s’incarner que douze fois.

Et quand il a écrit ‘The Empty Hearse’, le premier épisode de Sherlock pour cette année, Mark Gatiss s’est montré encore plus conscient des sites web. Une blague récurrente dans le scénario exploitait et se moquait de la spéculation déchaînée et parfois vulgaire qui tourne dans le monde réel autour des circonstances dans lesquelles le détective semble avoir pu simuler sa mort en tombant d’un toit à la fin de la deuxième saison en 2012. On a eu droit à deux longues séquences qui n’étaient en réalité que des fantasmes inventés par des personnages de la série aussi obsédés par le sort de Sherlock que les spectateurs dans le monde réel. Ces théories internes traitaient d’éléments (les effets médicaux des balles de squash, une prétendue attraction homosexuelle entre Holmes et Moriarty) qu’on peut trouver dans le monde extérieur, dans des fanfictions.

On a exploité ce concept, où les personnages voient notre monde à travers l’écran - dans la même manière qu’un personnage d’une comédie peut « briser le quatrième mur » en s’adressant aux spectateurs - dans plusieurs manières, et pour des raisons opposées. Dans ‘Doctor Who’, Moffat s’est interposé pour résoudre le problème de la longévité du protagoniste, ce qui, pour les spectateurs obsessionnels, serait devenu « l’éléphant dans la pièce » où travaillent les écrivains [un problème évident que les écrivains négligeaient] et on aurait regardé tous les épisodes du règne de Capaldi en se demandant s’il était ou n’était pas le dernier Doctor.

Quant à Sherlock, Gatiss a eu l’idée ingénieuse de jouer sur le fait que le personnage incarné par Benedict Cumberbatch soit une célébrité et dans le monde fictif de la série et dans le monde réel, afin de s’amuser avec la meta-théâtralité [le théâtre réfléchi]. De telles moqueries de ceux qui s’excitent autour de Sherlock sur leurs blogs ou leurs comptes Twitter avaient leur place également parce que Sherlock est depuis toujours l’une des séries les plus modernes par rapport à la technologie et compte parmi les premières à représenter le bavardage électronique sur l’écran d’une manière agréable. 

Le danger de cette approche, pourtant, ces que les intrigues s’inclinent trop vers les désirs du plus petit public que puisse attirer n’importe qu’elle série : les fanatiques. Bien que, de ces jours, on s’attende à ce que les série populaires inspirent de la fanfiction, elles ne peuvent pas se permettre de devenir entièrement de la fanfiction elles-mêmes. Même des séries qui ont cartonné autant que Doctor Who et Sherlock devraient chercher - surtout quand on considère l’accumulation de publicité qui les entoure - à attirer de nouveaux spectateurs, et il y avait de longs passages dans ‘The Time of the Doctor’ et dans ‘Le cercueil vide’ où ceux qui regardaient pour la première fois ou par hasard n’auraient rien compris du tout. Les scènes qui traitaient des régénérations du Docteur ou du moyen dont Sherlock a frôlé la mort rappelaient parfois un salon de discussion pour les aficionados plutôt qu’une émission destinée à un public général.

Et pendant que je regardais ces épisodes, j’ai été également frappé par la réalisation que ces séries si populaires, dont l'un met en scène un Time Lord et l'autre un détective, sont de la fanfiction dans un autre sens : pour les deux séries, Moffat et Gatiss se sont emparés de personnages qu’ils avaient aimés en tant que spectateurs ou lecteurs depuis leur enfance, et les ont modernisés. 

Et pour la première fois, j’ai eu peur que les franchises ne soient en train de fusionner. Bien qu’il y ait depuis le début des similarités entre les protagonistes - le Doctor et Sherlock sont tous les deux des excentriques hyper-logiques qui viennent d’une autre planète (au sens littéral ou figuré) que celle de leurs assistants stupéfaits - ‘The Empty House’ avait une troublante ressemblance à un épisode de Doctor Who.

Ça s’explique en partie par l’intrigue quasi-apocalyptique, qui s’agit d’un complot pour faire exploser la ville de Londres, non pas d’un homme gaucher trouvé mort dans une chambre fermée - mais également parce qu’il semblait qu’on voulût rendre Holmes plus fantasque et romantique, à la manière des Time Lords récents. Bien que Cumberbatch se soit magnifiquement tiré d'une scène où le détective supposé mort surprend Watson dans un restaurant, après s'être déguisé en garçon français, cette farce semblait convenir plutôt au registre naturel de David Tennant ou de Matt Smith qu’au style de Cumberbatch, lequel est plus sec et sombre.

Il y a déjà un mélange très populaire sur Youtube où le Doctor rencontre Sherlock, et parfois on se dit qu’il y aura forcément une rencontre entre ces deux protagonistes dans un prochain épisode de Doctor Who. Ou, peut-être, quand le grand succès de Cumberbatch à Hollywood l’aura empêché de revenir à Sherlock, le personnage tombera au sol et se transformera en Tennant, Smith ou quelqu’un d’autre. Ça ferait éclater aux les sites web dirigés par les fanatiques, mais, comme les épisodes récents ont signalé, une série populaire doit tenir compte du plus grand public.

3 janvier 2014

Qui de mieux pour interroger Benny C que le co-créateur de Sherlock, Steven Moffat ? Voici ce qu'il a obtenu du détective...

Auteur : Steven Moffat

Date : 1 janvier 2014

Source : Radio Times

Ok, je serais honnête. Je n'ai jamais fait ça. J'ai écrit des articles pour le Radio Times avant. Dieu seul sait, j'ai probablement sorti assez récemment que c'était l'épisode de Noël le plus dans l'esprit de Noël depuis la scène de la naissance dans la mangeoire. Et il se trouve que j'ai parlé à Benedict de très nombreuses fois. Mais je n'ai jamais interviewé quelqu'un.

Alors, supportez avec moi. Soyez clément. Le problème est, voyez-vous, Benedict est très intelligent. Et il est interviewé très souvent, il est donc capable d'en repérer un faux écossais. Et Sherlock Holmes vit dans sa tête ces jours-ci, donc il ne sera pas forcément toujours sympa.

La cassette est en route (il n'y a pas de cassette en fait, mais je n'ai pas changé mon vocabulaire depuis 30 ans) et je me débats. Je ne peux pas m'empêcher de remarquer, pourtant, qu'il porte un manteau. Alors que ça démarre, rien n'est très prévisible.

Steven: En te regardant dans tes habits de Sherlock, ils sont vraiment iconiques maintenant. Comment te sens-tu dedans ? N'est-ce pas bizarre ?

Benedict: Parfois, lorsque je les mets, j'ai l'impression de porter un costume. Evidemment, lorsque je suis dans le personnage, je ne regarde pas ça. J'ai une résistance par rapport aux succès répétitifs donc une partie de moi veut développer la coiffure, le manteau et il n'y a pas de raison pour laquelle il ne pourrait pas. Il pourrait y avoir une raison pour laquelle nous devrions, parce que le manteau Belstaff n'existe plus [par exemple]. [Le fabricant, Belstaff, a arrêté de la fabriquer.] Mais oui, c'est devenu iconique. En fait, je suis désobligeant par rapport au manteau. Je l'appelle le tapis, surtout lorsqu'on écrit des scènes de Noël que l'on doit filmer en Août. Je me suis résigné au fait que ça marche complètement. C'était une combinaison brillante de Ray [Holman, le costumier] dans le pilot et de Sarah [Arthur, la costumière] de la série et toi, et moi.

SM: Je n'étais pas vraiment impliqué.

BC: Mais lorsque tu l'as, tu as su que ça marcherait.

SM: J'ai boudé lorsque j'ai vu l'autre manteau qu'ils ont fait pour la saison trois. Souviens-toi, nous avons essayé d'en faire archer un autre qui devait être similaire et j'ai juste boudé.

BC: Ce n'était pas bon.

SM: C'était un beau manteau, mais ce n'était pas le manteau.

[Super, la glace est brisée. Maintenant, je suis plus en confiance. Je vais essayer une question qui est un peu moins centrée autour du manteau, une qu'il ne verra pas venir...]

SM: Il y a une vraie question que j'ai par rapport au personnage de Sherlock parce mon camarade scénariste Mark Gatiss et moi-même avons réfléchi...

BC: Sherlock est-il vaniteux ?

[Bigre!]

SM: Oui et fait-il beaucoup d'efforts pour cela ? 

BC: Est-il vaniteux comme un footballeur ? Non. Est-il vaniteux comme une star de cinéma ? Possiblement. Mais ce n'est pas vraiment l'image qu'il veut projeter pour que les gens l'aime bien; c'est à propos de ce qu'il veut utiliser de lui-même pour contrôler une situation. Son regard est une partie de son armure. Je ne pense pas que cela soit de la vanité.

[Voyez, intelligent. J'ai acquiescé durant tout ça, comme si j'y avais pensé moi-moi. Je partagerais ça avec Mark pour qu'il puisse y avoir déjà pensé également. Ensuite, nous ressemblerons tous les deux à des showrunners calés au lieu d'un couple d'homme d'âge mur qui jouent avec des figurines lorsque personne ne regarde.

Ok, retournons au boulot. Parce que maintenant, je vise la jugulaire! Être un VRAI interviewer! Une chose dont Benedict DETESTE parler est son statut de sex symbol. Mais en y allant de travers, en utilisant mes talents de journaliste, je suis presque sûr que je peux le surprendre...]

SM: Ce n'est donc pas de la vanité. Il est plutôt bien fait pourtant. Cela m'amène à ma prochaine question.

BC: Si tu essaies de parler de moi devenant un sex symbol...

SM: Non, non, je n'essaie pas. Grand Dieu, non. Je ne ferais jamais ça. Laissons ce genre de choses pour les tabloids, c'est ce que je dis.

[Benedict est maintenant en train d'attendre ce que j'allais en fait le demander. Mon esprit est vide ! Il me regarde suspicieusement. Ce n'est pas une suprise que Moriarty se soit suicidé : Avez-vous déjà essayé de faire sonner votre téléphone comme si vous receviez un appel urgent juste en le regardant ? Ca ne marche pas !]

SM: ...Non, ce que j'allais dire, c'est que je me souviens durant la première année et aussi un peu durant la seconde, Mark et moi te parlions de Sherlock Holmes et tu faisais des suggestions et certaines marchaient tandis que d'autres non. Je trouve que maintenant, les petits bouts que tu improvises sont parfaits.

BC: Merci patron ! [Patron ! Ca passe TRES bien.]

SM: Saison une, deux, trois - force est de constater que tu a explosé en tant qu'acteur. Ca a été phénoménal et tu n'as pas arrêté de travailler, tu as joué tous ces rôles différents, de Julian Assange à Star Trek. La première fois, nous ne pensions pas que Sherlock allait tant marcher. Comment t'es-tu senti durant la saison 2 ?

BC: Je me sentais gêné en fait, revenir pour la première fois. Pas parce que c'était étrange, mais parce que d'une certaine façon, ça avait été un succès. Je pense que nous nous sentions tous les deux en dehors, regardans à l'intérieur. Je regardais Martin Freeman et je pensais : "Mon Dieu, Je t'ai vu à la télé dans quelque chose de plutôt bon pendant l'été." Ca a pris un peu de temps pour prendre le rythme et rentrer dans le mouvement, en partie à cause de ce qui c'était passé entre temps. Cette fois, il semble que cela soit resté dans ma tête, cela semble être quelque chose que je peux mettre en pause et reprendre après.

SM: Toi et Martin vous êtes devenu des grands. Mark et moi-même rigolions que si on avions lancé l'idée maintenant et avions dit que nous vous voulions dedans, les gens nous auraient rigolé au nez. Nous nous sommes demandé si tous les deux vous seriez de retour dans Sherlock. Cela semble un petit peu petit.

BC: Non. Ce n'est pas comme revenir à une série. C'est quelque chose de spécial. C'est unique. Ce n'est pas comme si on se contraignait à un format d'une façon télévisuelle normale. Tu nous enchantes toujours. La pression est toujours là parce nous sommes votre premier public, nous sommes les personnes qui sont assises en face de vous pour un verre un dimanche à 9h, nous préparant à ce que ça commence. C'est Martin et moi lorsque nous avons lu pour la première fois les scripts. Nous sommes les premières personnes sur qui ça a un impact. Vous ne nous avez pas déçu une seule fois. Ca va continuer. [Je GARDE tout ça. Je me demande si ça marcherait sur un t-shirt.] Et les guests que nous avons cette année sont extraordinaires.

SM: Sherlock devient un peu scandinave. [Lars Mikkelsen de The Killing et Borgen va jouer le vilain Charles Augustus Magnussen.] Et maintenant nous avons Amanda [Abbington, la compagne de Martin Freeman dans la vraie vie] qui joue Mary Morstan. La nouvelle... hum, meilleure amie de John.

BC: Amanda n'est pas une guest star. Elle fait vraiment partie de la famille, mais quelle alliée et amie et actrice géniale. C'est un vai plaisir de travailler et d'être avec elle.

SM: Sherlock est un peu différent lorsqu'il est avec Mary -pourquoi cela ?

BC: Je pense qu'il l'est. Il existe toujours sous le feu des projecteur et il n'est pas étouffé par cette relation. Mais c'est un personage féminin vraiment fort. Elle est vraiment impliqué et c'est génial. J'adore la dynamique. Amanda est juste stupéfiante et a un goût sublime en tant qu'actrice. Elle est vraiment spéciale.

SM: J'ai ma propre vision des choses, mais je voulais te demander ce que tu en pensais -de quelles façons Sherlock est-il différent lorsqu'il revient?

BC: Je pense qu'il a régressé, ce qui est dommage d'une certaine façon car ç'aurait vraiment sympa de le voir évoluer en quelqu'un qui est différent ne serait-ce qu'un peu. Je pense que sans Watson les freins sont un peu partis du vélo, ou ils n'ont pas été beaucoup utilisé, je ne sais pas trop. Il n'est pas en harmonie avec Londres, il ne sonne pas juste dans son habitat naturel et il n'est pas près du tout d'un humain ordinaire en société.

Bien qu'il est traversé beaucoup d'épreuves comme nous l'apprenons. A sa manière,ça lui a coûté. C'est à propos de comment Watson répond à cet homme qui revient. Réfléchissez un peu à Sherlock. Il a eu ses défis et a dû les surmonter par lui-même. Il est de retour, non pas à un Londres changé, mais son Londres est très changé. Un appartement vide, un meilleur ami fiancé et il ne sait pas comment s'accorder avec ça et ça vous brise le coeur. Ca devrait. Ca devrait être amusant, mais c'est aussi bouleversant, avec un peu d'espoir. J'espère que ce n'est pas trop mignon et que j'ai raison. Je suis plus nerveux à ce propos qu'à propos de quoi que ce soit d'autre, à propos de la gradation de son introduction à Watson lors de son retour.

SM: Il revient donc dans le premier épisode dans un monde quelque peu différent...

BC: C'est important pour moi de dire ceci. Tout le monde continue de ne parler que de comment il a survécu à sa chute à la fin de la saison 2. Je suis beaucoup plus inquiet sur la façon dont je me re-présente au monde.

SM: Donc! Grosse dernière question. Si tu devais choisir - et de nombreuses façons, ça l'est - que ferais-tu par la suite dans Sherlock ? Où aimerais-tu que la série aille ?

BC: Je ne présumerais pas. Toi et Mark êtes tellement intellignet et beaux que vous devez avoir toutes les meilleurs idées et j'espère naturellement que vous n'allez pas faire votre propre répose à cette question juste pour faire un bel effet.

[Supprimons cette idée! Bien que, bien entendu, je l'ai fait. Benedict a eu de très nombreuses bonnes idées très intelligentes et si Mark et moi devions les utiliser pour nous, ce n'est pas très intelligent de les attribuer à notre star dans une interview pour Radio Times.

Bref, il a continué comme ça pendant longtemps. Après un moment, je suis sorti prendre un verre. Puis dîner et de courtes vacances - Je pense pas qu'il s'en soit rendu compte. Je devrais probablement revenir voir un jour s'il est toujours là en train de continuer.

Entre vous et moi, lorsque l'on parle de Sherlock, je pense que Benedict va continuer pendant un certain temps. Sauf si on le tue dans le troisième épisode, bien sûr.]

1 janvier 2014

Le génie de Sherlock, c’est son côté obscur

Titre : Le génie de Sherlock, c’est son côté obscur

Auteur : Lucy Worseley

Source : The Telegraph

 


Alors que le détective mythique Sherlock Holmes fait son retour sur nos écrans, notre affection pour lui ne peut pas cacher son côté obscur

 

En 1888, au sein du quartier à l’est de Londres, un tueur en série était en liberté. Le public avait lié une série de morts de femmes à Whitechapel à un seul personnage quasi-fictif connu sous le nom de ‘Jack l’éventreur’. Les journalistes étaient ravis de la chance de décrire un nouveau genre de méchant : mystérieux, sans mobile, omnipotent. Et les lecteurs étaient également prêts à rencontrer un nouveau genre de détective, dotés de pouvoirs égaux à ceux de « l’éventreur ». Le terrain était tout préparé pour Sherlock Holmes.

Il a apparu pour la première fois dans le roman d’Arthur Conan Doyle, Une étude en rouge, publié dans une anthologie de Noël en 1887. Une version reliée est sortie en 1888, l’année des meurtres de Whitechapel.

Bien sûr, Holmes est bel et bien en vie aujourd’hui, et revient sur BBC One ce soir en son incarnation la plus récente, sous la forme de Benedict Cumberbatch, à côté de Martin Freeman dans le rôle du Docteur Watson. C’est une modernisation d’une intelligence fantastique de l’un des plus grands personnages de la fiction.

Mais dans leur contexte historique, « Jack » et Sherlock représentent deux côtés de la même médaille. « L’éventreur » n’avait pas encore commis ses crimes quand Holmes a fait son début, mais alors que son caractère se développait au cours des nombreuses nouvelles qui ont suivi Une étude en rouge, Holmes est devenu presque l’image renversée de « l’éventreur ».

Ils sont potents et ingérables tous les deux, l’un quelqu’un de bien, l’autre quelqu’un de mal. Et dans un mélange bizarre de notre perception de « Jack » et de Sherlock, l’un des peu nombreux témoins à avoir vu le tueur en personne a raconté qu’il portait une chapka.

C’est à Holmes que les ministres, les hommes d’affaires et les familles royales de l’Europe s’adressent pour trouver une solution à leurs problèmes les plus épineux. En gros, cependant, les clients de Holmes ne sont pas les grands personnages. Ils sont des curés, des secrétaires, des ingénieurs, des propriétaires … les mêmes gens qui devaient rentrer chez eux seuls la nuit, qui lisaient les nouvelles de Conan Doyle dans des magazines et qui étaient poussés par ces nouvelles à se dire qu’il restait encore l’espoir d’attraper « Jack l’éventreur ».

Les compétences peu communes de Holmes ont une qualité très rassurante. Pourtant, en même temps - exactement comme dans la conception populaire de « l’éventreur » - Holmes est un marginal. Il manque de liens familiaux, il a tendance à tomber dans la déprime, il s’appuie sur les drogues jusqu’au point de risquer sa vie, il est si infailliblement dévoué au justice qu’il prend des décisions insensibles ou même avec des conséquences potentiellement dangereuses.

La toute première fois que nous rencontrons Holmes, dans Une étude en rouge, il s’amuse d’une façon digne de « l’éventreur » - il frappe un cadavre d’un baton. Mais ça s’explique par le fait que Sherlock Holmes se trouve parmi les rangs presque vides des médecins légistes de la fiction. Son amour pour la science et la technologie est un thème important dans la série actuelle de la BBC, qui est absolument fidèle à sa source. Dans sa première apparition littéraire, le Docteur Watson apprend qu’un ami d’un ami qui travaille à un hôpital cherche un colocataire. Le docteur Watson veut lui-même louer une chambre, alors il demande avec enthousiasme d’être présenté au chimiste inconnu.

Le Docteur Watson se rend à l’hôpital Saint Bartholomew, où Sherlock Holmes, toujours inconnu, passe la plupart de son temps. L’ami mutuel a averti Watson que Holmes est excentrique, « avec des habitudes curieuses ». On l’a vu, par exemple, pilonner un cadavre humain dans un effort d’établir jusqu’à quel point les bleus peuvent être créés après la mort.

Holmes est dévoilé pour nous dans son laboratoire, occupé de recherches sur la toxicologie et l’invention d’un nouvel épreuve pour l’identification du sang. Il serre la main de John Watson, et le salue avec ces paroles : « Vous avez été à l’Afghanistan, je vois. »

Le Docteur Watson en est abasourdi, et ce n’est que quelque temps plus tard, après une convenable accumulation de suspens, que nous apprenons que Holmes a « lu » la portée militaire de Watson, sa peau hâlée, son visage défait, et son bras blessé comme preuve que Watson a été dans la zone de guerre récente la plus notoire de l’armée britannique. (L’ex-soldat John Watson, dans son incarnation récente de la BBC, a également participé à ce qui semble parfois être la même guerre.) Dans les premières pages, alors, de la vie littéraire de Holmes, on nous présente non seulement le détective lui-même mais aussi la question d’appliquer la science et la technique de la déduction à la détection.

Arthur Conan Doyle s’est lui-même entraîné comme médecin, et c’est l’un de ses propres maîtres, le Docteur Bell, dont les méthodes ont inspiré celles de Holmes. Doyle a décrit Bell comme issu « d’une école de pensée médicale très sévère et cynique » et « doté de pouvoirs d’observation remarquables. Il était fier de sa capacité de regarder un patient et diagnostiquer non seulement sa maladie mais très souvent leur métier et leur domicile aussi. »

Le génie de Conan Doyle, c’était de mélanger l’approche scientifique et son propre amour des histoires. Au début il avait projeté de se plonger heureusement dans le métier de médecin. Attendant dans son cabinet les patients qui ne sont pas arrivés, il a commencé à écrire des nouvelles de plusieurs genres - horreur, policier, surnaturel - et les a envoyées aux magazines. Mais il n’a pas trouvé l’or avant d’essayer une nouvelle « où le personnage principal traite un crime comme le Docteur Bell traitait les maladies - et où la science prendrait la place des échecs ».

Au moyen de Sherlock Holmes, Conan Doyle aidera beaucoup à augmenter la popularité et la réputation de la médecine légiste, à un tel point que le grand médecin légiste français Alexandre Lacassagne, qui a établi l’un des premiers laboratoires judiciaires, ordonnait à ses nouvelles recrues de lire les nouvelles sur le grand détective. « Sa technique est fascinante, » en a-t-il conclu.

Mais l’aspect le plus frappant du caractère de Holmes - dans sa forme originale et actuelle - n’est pas son talent mais sa faiblesse.

Plusieurs critiques de la formule de la nouvelle policière trouvent que le secret de la popularité de Holmes est, en réalité, son amitié et son interaction avec Watson. Tout comme pour Frodo Baggins et Samwise Gamgee, ou Morse et Lewis*, le « Watson » du duo offre une intelligence non intellectuelle mais émotionnelle. Les Watson apporte de l’émotion et de l’humanité à leurs supérieurs cérébraux mais froids.

Dans l’une des dernières nouvelles sur Holmes, L’aventure du pied du diable, un paradigme presque parfait de la forme, publié dans l’anthologie Son dernier coup d’archet (1917), on voit et la chaleur de Watson et la froideur de Holmes : c’est la combinaison qui est irrésistible. Dans une scène énormément tendre, les deux amis quittent en chancelant une pièce que Holmes a, dans les intérêts de ses recherches, rempli de gaz empoisonné. Sherlock Holmes peut sembler à première vue indomitable, mais sans son ami plus humain il est incapable de naviguer la vie :

Je sautai de ma chaise, serrai Holmes dans mes bras, et ensemble nous titubâmes par la porte …

« Ma foi, Watson ! dit enfin Holmes d’une voix tremblante. Je vous dois et mes remerciements et mes excuses. C’était une expérience injustifiable même pour soi, et deux fois plus injustifiable pour un ami. Je suis sincèrement navré.

- Vous savez, répondis-je assez touché, puisque jamais avant je n’avais vu autant du coeur de Holmes, que c’est ma plus grande joie et mon plus grand privilège d vous aider. »


Se manifestant ainsi, vers la fin de leur longue amitié, des vérités longtemps inexprimées s’articulent enfin. C’est précisément pour ceci - non pas pour l’intellect, ni pour la virtuosité presque artificielle - que j’adore Sherlock Holmes.

 

* Frodo Baggins et Samwise Gamgee - les deux personnages principaux de la trilogue Le Seigneur des Anneaux, de J.R.R. Tolkien. 

Morse et Lewis - l'inspecteur Endeavour Morse (si, c'est son véritable prénom) et son sergent Robert Lewis, de la série Morse, qui s'inspire des romans de Colin Dexter.

1 janvier 2014

Le réalisateur de Sherlock parle de la réunion « touchante » entre Holmes et Watson et d'une troisième saison « plus drôle »

Titre : Le réalisateur de Sherlock parle de la réunion « touchante » entre Holmes et Watson et d'une troisième saison « plus drôle »

Auteur : Philiana Ng

Source : The Hollywood Reporter

 

Co-créateur Steven Moffat raconte à THR que le premier épisode est « vraiment éclatant » et parle des femmes qui adorent Sherlock, du status de Benedict Cumberbatch comme coqueluche, et de son affinité pour les fins pleines de suspens.

 

Sherlock Holmes vit.
La série britannique Sherlock revient au petit écran deux ans après que le génie du titre (Benedict Cumberbatch) a simulé sa propre mort pour sauver la vie à ses plus proches - en particulier, à son complice le Docteur John Watson (Martin Freeman). Mais comment est-ce que Sherlock l’a réalisée ? Comme les nombreux aperçus, bandes annonces et un mini-épisode ont prédit, le monde est au point d’être bouleversé après la révélation que Sherlock est de nouveau en vie.

Plus tôt cette année [en 2013], The Hollywood Reporter a retrouvé Steven Moffat, co-créateur de Sherlock et également réalisateur de Doctor Who, pour parler de la popularité de Sherlock, qui est diffusé sur BBC/PBS. Il réfléchit sur les deux premières saisons et le grand succès de Sherlock chez les femmes, et nous offre quelques indices au contenu des épisodes à venir.

La réponse à Sherlock aux EU a été incroyable. C’était comment, de voir un tel succès à l’autre côté de la mer ?
C’est extraordinaire. C’était très, très passionnant. Puisque nous avons déjà fait quelques évènements, nous nous sommes rendus compte qu’on avait traversé cette ligne. C’était extraordinaire pour nous, car, franchement, nous sommes habitués à un public britannique, donc d’avoir un public ici [aux EU] en plus, ça nous rend très humble. Quand nous avons projeté des épisodes de Sherlock d'avance, les salles ont toujours été très animées, mais c’était très passionnant de voir des milliers de personnes [à Ballroom 20 au Comic-Con] hurler et acclamer pendant le discours que fait Sherlock au mariage de John.

Quand est-ce que vous vous avez rendus compte, pour la première fois, que Sherlock avait des fans américains passionnés ?
En général, ces choses vont si vite de nos jours. La série a cartonné au RU, très très vite, et [c'était] probablement [à] une projection à New York d’une partie d’ « Un Scandale à Buckingham » [qu'on s'est rendu compte]. C’était pendant les 35 minutes avant la diffusion, et je me souviens de la réponse, qui nous a vraiment surpris. [Mon co-créateur] Mark [Gatiss] et moi nous disions, « Mais si c’est comme ça qu’on se comporte devant nous, Benedict sera poursuivi partout dans les rues. » Si je faisais mention de Sherlock, en passant, à un évènement pour Doctor Who, on éclatait - c’est à ce point que j’ai vu qu’on s’approchait de la popularité de Doctor Who.

Cette dernière saison a posé plusieurs questions à la suite des évènements de « La chute du Reichenbach ». En tant que scénariste et réalisateur, est-ce que vous cherchez toute occasion de mettre des fins pleines de suspens ?

Oui, franchement, je crois que c’est un merveilleux moyen d’encourager le public à revenir la semaine prochaine, ou l’année prochaine, ou l’année après. J’aime bien les cliffhangers. On peut s’en servir trop, et à mon avis on doit changer un peu, mais puisque nous avions terminé la première saison avec un cliffhanger - dont on a fait du boucan, même si à mon avis ce n’était pas si atroce - on a décidé tout simplement de partir à l’assaut avec la fin de la saison 2. Nous n’allons pas faire ça pour toutes les saisons - on ne peut pas, car ça deviendrait répétitif et prévisible. Bien sûr, c’est passionnant pour le public, qui s’excite toujours et continue à réfléchir sur la série, au lieu de laisser la série s’effacer de sa mémoire.

Est-ce que cet approche vous pose le défi de créer un moment parfait qui fera parler le public pendant des mois ?
Je ne crois pas qu’il existe une formule exacte, non. S’il y avait une formule, ce serait prévisible et très manifeste. À certains moments au cours de l’intrigue, on cherche d’outrager et de choquer le public. Je veux bien une fin qui reste avec les gens, sur laquelle on réfléchit. Je ne crois pas avoir de moyen précis de l’accomplir.

En comparaison avec d’autres séries, les saisons de Sherlock sont plutôt courtes. À quel point seriez-vous prêt à prolonger une saison avec plus de trois épisodes de 90 minutes, si vous en aviez l’occasion ?
Ce qui, pour nous, a fonctionné si bien, c’est que nous faisions [trois épisodes de] 90 minutes, de temps en temps. C’est magnifique comme formule, de notre côté. Cette formule a prolongé la vie de la série. Si nous faisions des saisons plus longues, on aurait vite terminé et les acteurs ne seraient plus disponibles. Mais puisque nous avons des saisons plus courtes, Sherlock peut avoir une très longue durée. On concentre la qualité au lieu de produire un vaste nombre d’épisodes. On essaie d’éviter les bouches-trou.

C’est ainsi que vous pensez que la télévision de l’avenir devrait se développer ?
Dans l’avenir, pourquoi pas ? Tout va changer énormément. On peut ré-imaginer ce que sera la télé. Ça consistera entièrement en téléchargements, iPlayer et tout ça. Mes enfants ne prennent même pas la peine de s’installer devant le poste de télé, ils regardent des téléchargements sur iPlayer, alors cette génération - qui n'est qu’à neuf, dix ans de l’âge adulte - ne regardent même pas la télé de la même façon que nous. Le modèle traditionnel d’une série télévisée, c’est que vous en produites un grand nombre d’épisodes au cours d’environ cinq ans, vous l’épuisez, puis vous vous en sortez, pour ne jamais la reprendre. Pourquoi pas faire une série à laquelle vous puissiez consacrer vingt, trente ans - beaucoup plus étendue ? Pourquoi pas cet approche ? C’est le cas pour les séries de romans, [et] les films James Bond ont beaucoup réussi en suivant ce modèle. Pourquoi faut-il se concentrer sur la quantité ? En partie, c’est à cause du modèle qui existait aux EU, qui existe encore. Je crois que ça va changer. [Il] n’est pas possible [que ça ne change pas].

La consomption du contenu sur des iPad et des appareils portables a-t-elle eu un effet sur le tournage de Sherlock ?
En général, la seule façon dont elle a eu un effet sur le tournage visuel jusqu’ici, c’est qu’on attend beaucoup plus de nous, et en effet, nous essayons de nous montrer à la hauteur. Il faut que [les épisodes] soient des films, même au point de vue de la cinématographie, car les écrans - qu’il s’agisse d’un iPad ou de votre grand, bel écran de télévision - sont beaucoup meilleurs qu’autrefois, de sorte qu’on ne puisse pas laisser remarquer de différence entre la qualité au cinéma et la qualité à la maison. Et il n’y en a plus. Tout va changer dans des façons qu’on ne peut pas prédire. La génération à venir ne saura même pas ce que sont les horaires, à quelle heure on devrait regarder la télé, qu’en pensent les chaînes. Ce sera un monde très différent et à mon avis meilleur.

Pour retourner aux deux premières saisons de Sherlock, y a-t-il un moment qui a défini le caractère de la série ?
Probablement. Nous avons commencé par tourner « Le grand jeu », le troisième épisode de la première saison, et il y a une scène à la fin de cet épisode où [Jim] Moriarty [incarné par Andrew Scott] apparait pour la première fois et nous avons dû la tourner assez vite. C’était pendant la première semaine [du tournage]. C’était si électrique et palpitant. Ça ne veut pas dire que nous pensions que ce serait un carton, nous pensions que nous faisions une très belle série et que nous aurions 3 millions de spectateurs et deux ou trois prix. Nous ne pensions pas à 15 millions de spectateurs et 60 prix.

Qu’est-ce qui a le plus changé, depuis la conception à la série telle qu’elle est aujourd’hui ?
Ce qui me surprend, c’est à quel point Sherlock est devenu émotionnel. On participe [à la série] à un niveau extraordinaire. Les coeurs brisent pour Sherlock, pour peut-être la première fois depuis les nouvelles. On est assez plein d’émotion. Même la scène drôle [du mariage de Watson dans la S3] que nous avons projetée [au Comic-Con] - on reniflait pendant le discours de Sherlock. C’est intéressant. De plus, beaucoup de nos fans sont des femmes. Les nouvelles d’origine [par Sir Arthur Conan Doyle] attiraient beaucoup de femmes, une chose que je n’ai jamais oubliée, et c’est parce que les femmes victoriennes aimaient bien l’aspect de Sherlock. (*Il rit.*) Alors, je me suis dit, si on se sert de cet homme tellement passionnant, plutôt beau, qui peut percer droit dans votre coeur, sans s’y intéresser du tout … bien sûr qu’il va devenir un dieu du sexe ! Je crois que nous avons bien choisi les aspects de ce personnage qu’il fallait accentuer. Je crois que chacune des femmes qui suit la série s’imagine qu’elle va être celle qui fera fondre ce glacier. Elles ont tort, toutes - rien ne fera fondre ce glacier.

Mais étiez-vous vraiment surpris, puisque c’était Benedict qui jouait le rôle principal - et Martin en Watson, en plus ?
Quand nous avons embauché Benedict - et je jure que c’est la vérité - on nous faisait, « Vous auriez dû choisir quelqu’un de plus beau. »

Sérieusement ?
Oh que oui. Absolument ! Car il a un aspect un peu bizarre. Si vous le scrutez - sa carrière avant Sherlock - il jouait Stephen Hawking, il jouait des gens désagréables, il ne jouait pas de premiers rôles. Tout le monde aimait l’idée de Benedict en Sherlock Holmes car c’est un comédien illustre, avec une bonne réputation - pas du tout un coqueluche. Et malgré tout, quand on lui donne ce manteau et cette écharpe, il devient un coqueluche. Si vous le regardez de la première saison à la deuxième - puisque tout le monde parle de lui - ça devient plus évident. Il devient plus fringant, c’est sûr. Le succès a un moyen de rendre les gens plus attirants. (*Il rit.*)

Que voulez-vous que les gens voient, le plus, dans la saison trois ?
La saison entière nous excite. Le premier épisode [« Le cercueil vide »] est vraiment éclatant. Là vous avez la réunion entre Sherlock et Watson, et la résolution de l’énigme. C’est hilarant et touchant et frénétique, et contient l’une de mes scènes préférées parmi toutes les scènes de la série. L’épisode deux est très différent, différent de tous les autres épisodes de Sherlock : le mariage [de Watson]. C’est tellement hors du commun, et Mark et moi en étions ravis. Je ne crois pas qu’il y ait le moindre trace du mystère pendant la première demi-heure. Cet extrait que nous avons montré [au Comic Con], avec le discours au mariage, où Sherlock est confus par son rôle de « best man » [nldt : témoin principal du groom] vient de ce point de vue : Sherlock, pas du tout dans son élément, essaie de gérer une situation hyper-sociale pour laquelle il n’est pas très doué. Depuis mon enfance j’ai toujours voulu faire ça. C’était évident que le Docteur Watson n’avait qu’un seul ami et que Sherlock Holmes a dû être le témoin principal. Comment ça s’est déroulé ? Je crois que nous avons fait ce qu’on attend de nous à cet égard, que nous avons même dépassé les espérances. Nous avons aussi un nouveau méchant [Charles Augustus Magnussen, incarné par Lars Mikkelsen] et, j’espère, un final pétrifiant. Je dirais que l’angoisse et la passion restent les mêmes, mais le tout est probablement plus drôle. Je crois que Benedict et Martin se sont vraiment détendus dans les rôles et que Sherlock Holmes n’a probablement jamais été plus drôle.

Combien Mark et vous avons-vous parlé de la réunion entre Sherlock et Watson ?
C’était très important. Nous avons parlé sans cesse de notre façon de la présenter. Nous avons pensé très attentivement, tous les deux, à ces moments cruciaux, car c’est un trou très notable dans les nouvelles, l’absence du point de vue du Docteur Watson sur [le retour de Holmes]. C’est touchant et c’est déchirant pour John d’apprendre qu’il a été entièrement dupe, car quand on comprend tout, la fin de « La chute du Reichenbach » fait froid dans le dos car vous croyez avoir compris que Moriarty l’a emporté sur Sherlock puis, au dernier moment de l’épisode, vous apprenez que c’est Sherlock qui l’a emporté sur tout le monde - y compris Moriarty qui n’était jamais à sa hauteur - et qu'il a exploité trois vieux amis pour y arriver. Ce sera peut-être un grand soulagement de le voir en vie … cet homme revient et il s’attend à ce que le monde soit exactement comme il l’a laissé.

 

 

Bonne Année à tout le monde ! J'ai l'intention de transcrire le premier épisode de la nouvelle saison et de traduire le dialogue en français. Faites-moi savoir si vous aimeriez que je vous l'envoie.

Melas

Publicité
Publicité
29 décembre 2013

Sherlock : comment la série est devenue un phénomène global

Auteur : Matthew Sweet

Date : 27 décembre 2013

Source : Telegraph

 

Le Sherlock de Benedict Cumberbatch et le Watson de Martin Freeman ont connu un succès international. Matthew Sweet essaie de déduire leurs méthodes.

 

Attention : cet article contient de légers spoilers pour la S3 !

 

Autrefois, en juillet 2010, le monde était un lieu marqué de subtiles différences. Martin Freeman était « le gars sympathique » dans The Office. Benedict Cumberbatch était le fils de la comédienne Wanda Ventham. Sherlock Holmes était un personnage victorien. Mark Gatiss et Steven Moffat étaient deux écrivains-réalisateurs qui réfléchissaient sur la date peu propice, en plein été, qu’on avait décidée pour leur nouvelle série policière peu conventionnelle, et se demandaient si elle finirait par causer autant de dégâts qu’une chute de 244m d’une cascade en Autriche.

La réponse de leurs employeurs ne fournissait pas d’assurance immédiate. Les intermédiaires de la BBC qui approuvent les dramas avaient regardé les trois premiers épisodes, mais, paralysés par une fainéantise digne de Lestrade, refusaient de s’engager davantage avant de savoir l’audimat. Pour les spectateurs, en revanche, ceci n’était pas un problèmes de trois pipes. Plus de sept millions de personnes se sont plantés devant leur écran pour voir Cumberbatch et Freeman résoudre leur première enquête - une reprise du 21ème siècle d’Une étude en rouge de Sir Arthur Conan Doyle. Ils ont conclu que ce n’était pas du blasphème de lâcher Holmes et Watson dans le monde moderne, mais plutôt une question de retrouvailles ; que le détective privé, furieusement intelligent mais désespérément solitaire, et le soldat blessé, à peine revenu de l’Afghanistan, étaient autant chez eux dans notre époque que dans l’époque illuminée de lampes à gaz où ils ont vu le jour.

Trois ans plus tard, Sherlock est un phénomène. Les vedettes ont des carrières internationales très auspices. On voit le visage de Freeman, sous son agréable aspect de Hobbit, sur le côté de bus. Cumberbatch a incarné un méchant dans l’univers Star Trek. Les ventes des nouvelles de Doyle ont augmenté de 180%. Si on voyage avec Gatiss, où qu’il aille, un fan lui offrira une effigie de Freeman, tricotée avec dextérité, ou un exemplaire du Signe des Quatre traduit en Uzbek, ou une théorie compliquée sur la façon dont Sherlock est sorti de la fin de la série précédente, La Chute du Reichenbach. « Je ne me suis jamais imaginé que ce serait le cas, dit-il. Il y a une limite aux façons de tomber d’un bâtiment. » Il ne reste que quelque jours avant la diffusion de la nouvelle série, à 21h le 1 janvier, où le pays entier saura ce qu’il sait depuis le début : « Je suis très content de savoir que tout le monde va enfin le voir. Je me suis senti comme chargé d’un très lourd fardeau. »

Si on appelait le détective de Conan Doyle pour examiner l’artéfact qu’est devenu Sherlock ; pour le lire comme l’un de ces objets mystérieux dans la série - une montre gousset usée ou un chapeau en feutre barbouillé de chaux - quels autres indices trouverait-ils pour expliquer la nature extraordinaire du succès de la série ? De ses dossiers, il tirerait un article d’un journal, à propos de la potière qui avait fait fortune parce qu’on avait choisi une théière qu’elle avait dessinée pour être la céramique préférée de Mme Hudson (Una Stubbs) ; un article en ligne qui raconte que les chinois ont inventé un nouveau genre d’écriture pornographique sur Benedict Cumberbatch ; un message sur Twitter écrit par Sue Vertue, la réalisatrice [producer] principale de Sherlock, dans lequel elle partageait sa méfiance concernant Elementary, une imitation créée par une chaîne américaine. Ensuite, il rentrerait par effraction dans le site des aperçus en ligne de la BBC, et réussirait à trouver le premier épisode de la Saison Trois - Le Cercueil Vide - préfacé d’une liste de mises en garde et d’avertissements plus longe que Le Rituel des Musgrave.

En manipulant le coffre de la Saison Une entre ses mains, pourtant, Holmes remarquerait sans doute la vitesse avec laquelle Moriarty est arrivé - et en conclurait, peut-être que les créateurs de la série ne savaient pas combien de temps leur restait avant qu’on ne les prive de leurs jouets…

Sous la forme d’Andrew Scott, Moriarty a joué un rôle loin d’être insignifiant dans la triomphe de la série. Mais pour comprendre à fond pourquoi Sherlock s’est montré si populaire, on doit revenir au début.

Pour Sherlock Holmes, le monde est un énigme qui demande d’être résolu ; une masse d’information de laquelle on peut toujours isoler la vérité, aussi improbable qu’elle puisse être. Cet approche s’inspire du travail du Docteur Joseph Bell, le chirurgien qui enseignait à ses étudiants à l’université d’Edimbourg comment lire le corps humain - comment extraire d’un calus ou d’un tatouage la biographie d’un patient vivant ou d’un cadavre sur la table. Un étudiant de Bell, Arthur Conan Doyle, connaissait ses méthodes, en a fait un don à son héros-détective, et les a pratiquées lui-même - dans la chirurgie, et devant la planche de ouija. (Si la raison empirique pouvait détecter un meurtrier, pourquoi pas la présence d’une âme vaguante?)

Ceux qui ont adapté Holmes ont rarement changé cette capacité. (La solution de sept pour cent, le film de 1976 qui dépeint Holmes en toxicomane impitoyable et Moriarty en la victime innocente de ses délires, est une exception isolée.) Le plus grand Holmes du cinéma muet, Eille Norwood, s’est rasé les tempes pour se donner un air plus cérébral, et se voyait sollicité pour composer des mots croisés cryptés et payé pour promouvoir la Phosferine, un tonic qu’on disait capable de combattre « la névrite » et « la débilité des nerfs ».

Quand Universal ont fait revenir Holmes sur l’écran pendant les années 40, ils ont préfacé les premiers films avec une annonce qui expliquait que le détective travaillait désormais sur « les problèmes de notre époque » - qui n’étaient pas les mariages forcés ou des empoissonnements dans les banlieues tranquilles, mais le nazisme et le fascisme. Basil Rathbone a fendu le totalitarisme enquête par enquête, exposant des Haw-Haws et des membres de la cinquième colonne en une Angleterre en époque de guerre construite sur un plateau de Hollywood. (L’idée qu’à côté de Holmes, les espions britanniques fussent aussi empotés que les policiers de Scotland Yard, a beaucoup vexé Guy Liddell de MI5.) 

Gatiss a un respect énorme pour la capacité qu’a Holmes de comprendre la complexité du monde. Il dit : « C’est ma profonde conviction que la survie si prolongée de Sherlock Holmes et du Docteur Watson s’explique, non seulement par leur amitié immutable, mais en partie parce que Sherlock, en tant que personnage, met l’ordre au chaos. C’est la consolation qu’il offre. » Et Gatiss voit des qualités similaire dans le rôle qu’il s’est accordé à lui-même dans la série - Mycroft, le frère de Sherlock et le fastidieux chef des services secrets. « Il est la version “gouvernement britannique” du même concept. On soupçonne qu’il n’y a que la stupidité et l’incompétence, mais il serait très agréable de savoir qu’il y avait quelqu’un comme lui [dans le gouvernement], n’est-ce pas ? »

Cette impression que Holmes est un maître des données n’a jamais été dépeinte avec plus de flair que dans Sherlock.

J’ai eu la chance d’assister au tournage du tout premier épisode pour voir Benedict Cumberbatch jouer l’une de ses déductions caractéristiques : le déballage figuratif d’une valise rose sur laquelle est inscrite l’histoire d’un meurtre. Una Stubbs et moi nous sommes accroupis dans l’entrée du plateau de « Baker Street », enchantés, et fort incapables de goûter aux beignets que nous avions pris du chariot de thé. Cumberbatch s’inclinait sur le dos comme un client dans une fumerie d’opium, l’appareil fixé sur ses étranges yeux noirs, en train de dérouler un long écheveau de mots avec une vitesse et clarté frappantes. Si vous avez vu Une étude en rose, vous vous rappellerez la scène. Sa qualité faiblement occulte était palpable dans le studio.

L’un des plaisirs plus affûtés qu’incite Sherlock, c’est le langage graphique qu’il a développé pour illustrer le processus de la déduction. Il y a un exemple magnifique dans Le cercueil vide, au cours d’une scène où Sherlock rencontre une femme qui est une addition importante au personnel. Pendant qu’il l’évalue, son regard fait apparaitre un nuage de mots dans le cadre : « Enfant unique. Lib Dem* désillusionnée. Guardian**. Cuit son propre pain. » Les plus vieilles incarnations de Holmes sur l’écran se sont réfugiés dans un bureau en acajou*** ; le Holmes de Cumberbatch se plonge dans une bibliothèque interne de données pour trouver la bonne solution, aussi improbable qu’elle soit. Et il est impossible de le voir relever des indications de l’atmosphère de cette façon, sans penser à notre obsession par la collection et l’analyse des données - surtout puisque la série offre un point de vue profondément ambivalent sur l’état secret. Il est peu choquant qu’on a choisi Cumberbatch pour jouer le rôle de Julian Assange.

On a écrit cette série de Sherlock bien avant l’apparition d’Edward Snowden sur la première page des journaux du monde, mais la comparaison entre le dénonciateur et le détective - qui portent tous les deux de vastes palais de secrets - n’a pas échappé à Gatiss. « Je ne l’ai pas encore fait. Mais ce serait très intéressant. C’est une histoire où les gens gèrent de grosses quantités de données, où le rôle de l’amateur est mis en doute. »

Tous ceux qui tissent des histoires à propos d’un personnage qui recueille d’énormes bandes d’information, tient les gens sous surveillance, et déclare que les intrigues et les complots sont toujours dénoncés par des évènements « qui semblent insignifiants » pourraient bien trouver des difficultés s’ils veulent protéger leur travail des débats actuels sur la liberté, la vie privée et la confidentialité.

Après tout, le héros de Sherlock est un espion ainsi qu’un dissident. Et quand ces aventures sont aussi vieilles que celles de Basil Rathbone, nous pourrions bien nous surprendre en train d’y voir les peurs et les fantasmes de notre époque, aussi lisibles que les indices à une scène de crime. Cette série attire des millions de spectateurs parce qu’elle est pleine d’esprit, intelligente, provocatrice et rusée. Mais nous regardons Sherlock également parce que c’est un produit de l’époque dans laquelle nous vivons - et de plus, il semble en avoir percé les secrets.

 

Sherlock recommence sur BBC 1 le 1 janvier à 21h

 

 

* Lib Dem désillusionnée : Les « Lib Dem » (Liberal Democrats) sont un parti politique qui représente, traditionnellement, le centre-gauche. Beaucoup de membres du parti sont « désillusionnés » parce que le chef du parti, Nick Clegg, a fait une alliance avec David Cameron, chef du parti Conservateur, pour gouverner le pays, et en général la gauche britannique déteste David Cameron plus qu’elle ne déteste la droite en général. Plus précisément, Nick Clegg a rompu plusieurs promesses qu’il a faites, notamment un voeu de ne pas laisser Cameron augmenter les frais universitaires. Ce gouvernement, notre « Coalition », est toujours en pouvoir et les compromis qu’ont fait les deux chefs ont vexé les membres des deux partis.

** Guardian : le Guardian est un journal plein format on-ne-peut-plus gauchiste, qui a un point de vue très net et un ton qui passe souvent au vitriol. Cependant, à la différence de son équivalent de droite, le Daily Mail, le Guardian est, en général, très bien écrit.

*** bureau en acajou : littéralement « bureau brun », mais en anglais ça évoque la couleur du bois donc j’ai simplement choisi l’acajou qui me semblait convenable.

[Melas, qui est anglaise]

28 décembre 2013

Sherlock : L’audition d’un Martin Freeman grincheux a failli lui coûter le rôle de Watson

Date : 28 décembre 2013

Source : The Guardian

La star du Hobbit nous dit que son moral était si bas après que son portefeuille lui eût été volé que les producteurs de la série pensèrent qu’il n’était pas intéressé [par le rôle].

L’acteur, Martin Freeman, de Sherlock a révélé comment il avait presque laissé passer le rôle du Dr John Watson parce qu’il était extrêment grincheux à son audition après qu’on lui eût volé son portefeuille.

L’acteur du Hobbit joue avec Benedict Cumberbatch dans une adaptation contemporaine de Sherlock Holmes qui revient sur la BBC1 le jour du Nouvel An.

Mark Gatiss, le co-créateur de la série policière, a dit au Radio Times que le portefeuille de Martin Freeman lui avait été volé sur le chemin pour aller passer l’audition.

Freeman, qui n’avait jamais lu aucun Arthur Conan Doyle avant d’aller auditionner pour le rôle, dit que parce qu’il “n’était pas dans le bon état d’esprit” il a donné l’impression qu’il ne voulait pas être dans la série, qui, depuis, est devenu un énorme succès.

“J’admets que j’étais quelque peu stressé. Mais une semaine plus tard, mon agent m’a téléphoné et m’a dit, “Ecoute, ce truc Sherlock, ils ont eu l’impression que tu n’étais pas vraiment dedans”, dit-il au magazine.

“Et j’ai dit “Oh… Ca m’intéresse vraiment. S’il te plaît, appelle-les et dit leur que je suis intéressé.”

“Je n’étais pas du tout blasé. Ce n’était juste pas mon jour. Je suis donc revenu, j’ai lu avec Benedict et ça a marché instantannément, ça m’a semblé… j’ai pensé qu’il était un acteur fantastique et qu’il y avait quelque chose à propos de nos rythmes, de nos similarités et de nos différences qui signifiait que ça marchait.”

Freeman, dont la compagne dans la vie, l’actrice Amanda Abbington, joue sa nouvelle compagne dans la prochaine saison, dit que la série fût “écrite pour les adultes, où vous n’avez pas à tricher avec les téléspectateurs”.

La BBC a sorti un épisode teaser de sept minutes en ligne à la veille de Noël, bien qu’aucun nouvel indice ne fût offert pour expliquer le retour de Sherlock du royaume de morts après sa chute supposée fatale à la fin de la saison dernière.

La courte vidéo, intitulée Many Happy Returns [ndlt: qu’on pourrait traduire par “Plein de bonnes choses” après des voeux d’anniversaire], prépare le terrain pour le retour de Sherlock (joué par Cumberbatch) à Londres. Ses amis le pensent toujours mort; son acolyte Watson est même retourné en thérapie. Lorsque Many Happy Returns débute, nous découvrons qu’une série de crimes s’étant déroulés de part le monde, de New Delhi jusqu’en Allemagne, furent résolus grâce à des moyens presque impossibles.

24 juillet 2013

Diagnostic : les indications cachées

Auteur : Lisa Sanders

Date : 4 décembre 2009

Source : New York Times

 

« Je vois que vous avez récemment quitté l'Afghanistan, » a dit l'homme d'un certain âge* comme salutation lorsque le médecin est entré dans la pièce. Le médecin, à peine revenu de la deuxième guerre anglo-afghane, fut stupéfait par la perspicacité de cet homme. Mais avant qu'il ne pût lui demander comment il avait deviné ce détail, l'homme s'empara de sa manche et le tira vers lui pour voir sa dernière obsession.

 

[Texte encadré]

CÉCITÉ MENTALE
Holmes semble souvent inconscient des sentiments et des pensées des autres, même de son cher Watson.

SAUTES D'HUMEUR
Quand il travaille, Holmes semble infatigable et ne ferme pas l'oeil pendant des journées. Entre ses affaires, il tombe parfois dans un état de léthargie profonde.

CONCENTRATION OBSESSIVE
Holmes a une connaissance étendue de sujets bizarres - comme 140 sortes de cendres de cigares, pipes et cigarettes.

 

Le médecin écoutait, émerveillé, sa nouvelle connaissance parler beaucoup de l'expérience chimique qu'il venait d'exécuter. L'ami qui les avait présentés l'un à l'autre avait dit au médecin que l'homme était excentrique et qu'il faisait des expériences bizarres et morbides. Il avait dit au médecin qu'il avait vu l'homme frapper un cadavre pour savoir si un bleu pouvait se faire après la mort. (Négatif.) En effet, il avait un tel sang-froid, avait ajouté l'ami, que ce serait facile d'envisager l'homme en train de donner furtivement une drogue à un ami simplement pour témoigner aux effets qu'elle produisait. Certes, Sherlock Holmes était excentrique, se dit le Docteur John Watson, mais il était également intéressant.

Ce fut ainsi qu'en 1887 Arthur Conan Doyle a commencé l'une des alliances les plus bizarres et les plus efficaces de la littérature, dans son roman Une étude en rouge. J'ai rencontré ce couple pour la première fois au lycée. Récemment, je me suis surprise à feuilleter mes volumes usagés de ces nouvelles remarquables, mais cette fois, je n'ai pas pu m'empêcher d'examiner Sherlock Holmes d'un point de vue médical. Ce que j'ai vu se serait manifesté à n'importe quel médecin : un patient. Pour moi, la question, c'était : Le comportement bizarre de Sherlock Holmes avait-il un diagnostic ?

Il manifeste bien des symptômes. Il semble ignorant des rythmes et des courtoisies de l'interaction sociale normale - il a des discours plutôt que des conversations. Ses intérêts et sa connaissance sont approfondis mais trop spécialisés. Il a un étrange « sang-froid », et peut-être par conséquence, il est seul dans le monde. Il n'a établi qu'un seul lien d'amitié, avec Watson, qui est très tolérant ; un frère, plus bizarre et plus isolé que lui, est son seul parent. Est-ce qu'Arthur Conan Doyle présentait quelque sorte de trouble de la personnalité ou maladie du cerveau qu'il avait observé, ou est-ce que Sherlock Holmes était simplement un personnage intéressant qui était parti de rien ?

Conan Doyle a fait des études médicales à l'université d'Edimbourg, qui était à l'époque l'une des écoles de la médecine les plus éminentes au monde. Il avait un regard vif pour les manifestations subtiles des maladies, et ses histoires sont remplies de descriptions médicales très précises. L'alcoolisme d'un homme autrefois riche se voit dans « le teint rouge du nez et des joues », « le léger tremblement de la main qu'il tendait ». Dans une autre nouvelle, les contorsions d'un cadavre - les membres « tordus et pliés d'une façon fantastique », les muscles « durs comme la pierre … trop fermes pour que ce soit en raison du rigor mortis habituel » - permettent à Watson (et ses lecteurs médecins) de diagnostiquer l'empoisonnement par la strychnine.

Certains pensent que Conan Doyle se trouvait parmi les premiers à décrit une maladie génétique aujourd'hui nommé le Syndrome de Marfan. Présenté pour la première fois dans la littérature médicale en 1896 par un pédiatre français, Antoine Marfan, le syndrome est caractérisé par une forme longue et mince, des problèmes de la vision et une tendance à développer des anévrismes de l'aorte à un très jeune âge. La rupture du vaisseau dilaté, qui porte le sang du coeur au reste du corps, est la cause la plus commune de la mort chez ceux qui sont affligés de cette maladie dont, jusqu'à récemment, peu dépassaient la quarantaine. Dans son premier roman, Conan Doyle décrit Jefferson Hope, son meurtrier vengeur, comme un grand homme, ses trente ans largement dépassés, qui tue ceux qui, à ses yeux, ont causé la mort de la femme qu'il aimait. Lorsqu'on le capture enfin, il dit à Watson de placer la main sur sa poitrine. Watson raconte qu'il « aperçoit aussitôt une pulsation et une commotion extraordinaires qui avaient lieu à l'intérieur. Les parois de sa poitrine semblaient tressaillir et frissonner tel un bâtiment frêle à l'intérieur duquel une machine puissante était allumée. » Watson sait tout de suite ce que ça veut dire. « Et bien… vous avez un anévrisme aortique ! »

Est-il possible qu'en sa présentation de Sherlock Holmes, Conan Doyle a reproduit un syndrome psychiatrique familial que l'on n'avait pas encore décrit ? Les fans et les universitaires ont avancé plusieurs diagnostics, dit Leslie Klinger, l'éditeur de la version annotée des nouvelles sur Sherlock Holmes la plus compréhensive. Klinger privilégie un diagnostic de troubles bipolaires, faisant remarquer les fluctuations du détective entre l'hyperactivité et la lassitude. Il est vrai que les troubles bipolaires sont héréditaires, et sont caractérisés par des épisodes d'énergie frénétique - souvent teintés de grandeur et de comportement extravagant - qui cèdent aux périodes d'une déprime profonde. Bien qu'il soit vrai que Holmes ne fermait pas l'oeil pendant des journées alors qu'il était aux prises d'une enquête, ses sautes d'humeur semblent liées à son travail. En travaillant, il était électrique. Quand il n'avait rien à faire, il était mélancolique. Les drogues expliquent peut-être les violents changements de disposition, sauf que Holmes utilisait la cocaïne quand il était inactif et déprimé et non pas quand il était occupé et plein d'entrain.

D'autres, ajoute Klinger, ont proposé que Sherlock Holmes souffrait peut-être d'une forme modérée de l'autisme, le plus souvent connue sous le nom du syndrome Asperger. Cette maladie fut notée dans la littérature médicale en 1944 par un pédiatre autrichien, Hans Asperger. Il a décrit quatre garçons intelligents et éloquents qui avaient des problèmes sévères avec l'interaction sociale et une tendance à se concentrer intensément sur des objets ou des sujets particuliers. Le dossier a langui dans l'obscurité pendant plus de 40 ans, mais en 1994 le syndrome Asperger se trouvait dans le lexique psychiatrique officiel. Le diagnostic se trouvera peut-être de nouveau sous le même article que l'autisme dans le manuel à venir, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, mais il n'y a aucun doute que la description d'Asperger, de ces jeunes hommes, des inadaptés sociaux, d'une concentration intense, a éveillé des résonances en les parents qui y voyaient leurs propres enfants.

Se peut-il que Conan Doyle ait décrit ce syndrome 70 ans plus tôt qu'Asperger ? Selon Ami Klin, directeur du programme de l'autisme au Centre des Études de l'Enfant à Yale, un département de l'école de la médecine, la qualité fondamentale qui définit toutes les formes de l'autisme est la « cécité mentale » : la difficulté à comprendre ce que les autres ressentent ou pensent, et donc à établir des relations. Ignorant ce que les autres pensent d'eux, il arrive souvent que ceux qui souffrent du syndrome d'Asperger se comportent d'une manière bizarre. De plus, ils ont tendance à développer une connaissance très étendue de sujets très précisés.

Chez Conan Doyle, Sherlock Holmes fait parfois preuve de toutes ces qualités. Ses interactions avec les autres sont souvent directes jusqu'à en être impolies. Et même quand Holmes parle avec Watson, son ami le plus proche, même ses compliments semblent plutôt des reproches. Dans Le chien des Baskerville, lorsque Watson, content de ses propres compétences de détective, Holmes lui dit qu'il n'est pas une source de lumière mais un conducteur, rien qu'un assistant aux enquêtes que seul Holmes lui-même peut résoudre.

Quant à ses intérêts, Holmes se vante souvent de sa connaissance détaillées de toutes sortes de phénomènes bizarres. Il a apparemment écrit une monographie sur les différences entre 140 sortes de cendres de cigares, pipes et cigarettes. Il manifeste ce qu'Asperger a nommé « l'intelligence autiste » - une capacité de voir le monde d'un point de vue très différent de celui de la plupart des gens, souvent en se concentrant sur détails négligés par les autres. En effet, Sherlock Holmes dit orgueilleusement qu'il peut voir l'importance de bagatelles et c'est ce qu'il appelle sa « méthode ». 

D'où vient donc ce tableau ? Les biographes ont identifié un nombre d'individus dont Conan Doyle aurait pu s'inspirer pour créer le personnage de Sherlock Holmes, mais aucun d'entre eux ne possède tous ses traits. Était-ce un patient ? Un ami de famille ? Un camarade de classe qui n'a pas réussi à se faire dépeindre dans les biographies ? Peut-être qu'on ne le saura jamais, mais il est évident que les curiosités de Holmes ont un appel durable. On n'a qu'à regarder Temperance Brennan de Bones, Adrian Monk de Monk, et bien sûr, Gregory House de House, qui manifestent au moins quelques qualités qui ressemblent aux symptômes du syndrome Asperger et qui doivent beaucoup à Sherlock Holmes.

Lisa Sanders a écrit 'Every Patient Tells a Story: Medical Mysteries and the Art of Diagnosis' [Chaque patient raconte une histoire : les mystères médicaux et l'art du diagnostic]. Si vous avez un problème résolu à partager, vous pouvez lui envoyer un message à lisa.sandersmd@gmail.com. 

 

* Dans Une étude en rouge Holmes est probablement âgé, en fait, d'entre 20 et 27 ans. [Melas]

24 juillet 2013

Le spectre de Sherlock Holmes

Auteur : Douglas Kerr

Date : 16 juillet 2013

Source : Oxford University Press Blog (USA)

 

Le spectre de Sherlock Holmes est né (si c'est le bon mot) très tôt. Conan Doyle a fait tomber le détective par-dessus le bord des chutes de Reichenbach dans la prise du Professeur Moriarty dans Le problème final, publié dans le Strand Magazine en décembre 1893. En 1894, les spectateurs aux music-halls chantaient en choeur le refrain d'une chanson populaire, composée et chantée par H.C. Barry avec les paroles de Richard Morton :

« "Sherlock, Sherlock,"
crie le peuple vivement,
"C'est le spectre de Sherlock Holmes"
alors que je passe furtivement.
Les pécheurs tremblent et frissonnent
où qu'apparaisse ce fantôme,
Et on s'exclame, "Il nous a eus,
Le spectre de Sherlock Holmes." »

Sherlock Holmes s'est révélé l'un des plus résiliants de tous les personnages littéraires, et la carrière de son spectre fait preuve de la vie après la mort d'une façon qui réchaufferait le coeur à un spiritualiste tel son créateur. Pendant la période sombre qui a suivi Reichenbach, les admirateurs du détective ont eu pour relève le début, en 1899, de la pièce de William Gillette, Sherlock Holmes, où il a adapté du matériel tiré de plusieurs histoires dans le canon de Conan Doyle. Gillette a incarné Sherlock Holmes environ 1300 fois au cours de trois décennies, fournissant le personnage sur scène d'accessoires comme la casquette, maintenant caractéristique, la pipe et la loupe. Lorsque Gillette a demandé à Conan Doyle si Holmes pourrait se marier dans l'adaptation dramatique, l'auteur a répondu par télégramme : « Vous pouvez le marier, le tuer, faire de lui ce que vous voulez. » C'est une autorisation que ceux qui ont fait apparaitre plus tard le spectre du grand détective ont joyeusement acceptée.

Le plus important d'entre ceux-ci fut Conan Doyle lui-même, qui a fait revenir Holmes pour une aventure pre-Reichenbach dans Le Chien des Baskerville dans le Strand en 1901, puis a expliqué dans L'aventure de la maison vide qu'après tout, son héros n'était pas mort. Les aventures de Holmes, soixante en tout, ont continué jusqu'à 1927. En même temps, en un échange de l'ectoplasme contre le celluloïd, depuis Sherlock Holmes Baffled [Sherlock Holmes Stupéfait] en 1903 le grand détective s'était lancé dans une vie active comme spectre au cinéma. À noter parmi les versions cinématographiques de Holmes fut le splendide Basil Rathbone, qui a joué le rôle dans quatorze films de chez Hollywood entre 1939 et 1946, à l'aide de Nigel Bruce en un Watson franchement bouché. Dans les films de Rathbone, la question de ce que les critiques littéraires appellent la ré-accentuation devient un problème. D'abord, les films avec Rathbone en Holmes ont un cadre victorien qui nous est familier, avec les rues bloquées par le brouillard, la lumière du gaz et les cabs. Mais plus tard, Holmes, qui n'a miraculeusement pas vieilli, devient le contemporain de son public, continuant ses aventures dans une époque de voyages par avion, la chirurgie esthétique et les saboteurs Nazis. C'est un esprit d'anachronisme qui se manifeste toujours dans la série high-tech Sherlock, à la télé. Comme si le matériel à tirer du personnage original ne suffisait pas aux acteurs, parmi les Holmes postérieurs se trouvent un toxicomane paranoïde, un acteur enivré, un lycéen amoureux, un imbécile maladroit, un aventurier et une souris. 

En même temps, les lecteurs prenaient soin de la vie spectrale du détective en différentes façons, alors que Holmes inspirait beaucoup des détectives classiques des années 20 et 30. Le futur théologien et auteur de romans policiers Ronald Knox, pendant qu'il était toujours étudiant à Oxford, a écrit Études dans la Littérature de Sherlock Holmes qui est assez bien comme analyse proto-structuraliste ainsi qu'une parodie du criticisme académique de l'époque. Il a déclenché ce que Dorothy L. Sayers, également admiratrice de Conan Doyle et praticienne de polars, appelait « le jeu d'appliquer les méthodes du Haut Criticisme au canon de Sherlock Holmes ». On écrivait beaucoup à ce sujet au cours des années entre les deux guerres, souvent avec un sens de l'humour distinctement académique, et ce jeu s'empêtrait dans le jeu du même ordre où on faisait semblant de croire que John Watson avait écrit les histoires sur Holmes, et Arthur Conan Doyle n'était que son éditeur ou agent littéraire. Des adeptes se rassemblaient en antennes des Baker Street Irregulars, se donnant le nom d'un personnage des nouvelles, et débattant de questions controversées comme le lieu de la blessure de guerre de Watson, et l'école qu'avait fréquentée Sherlock Holmes. Il est difficile de s'imaginer qu'on puisse s'intéresser de façon similaire aux origines de Dorothea Brooke ou de Charles Bovary.

Aucun détective fictif - en fait, aucun personnage littéraire - n'a profité d'une « vie après la mort » aussi vigoureuse et variée que celle de Sherlock Holmes. Après tout, où sont les Fils du Père Brown, les Membres du Club Bellona, ou les Amis d'Hercule Poirot ? Depuis que le personnage est dans le domaine public, on écrit plus d'histoires sur Sherlock Holmes aujourd'hui qu'on n'a jamais écrit auparavant. Entre les mains de nouveaux auteurs, on a fait revenir Holmes d'outre-tombe (ou de sa retraite à l'apiculture au Sussex) pour se battre de nouveau avec le diabolique Professur Moriarty, pour rencontrer Oscar Wilde et la Reine Victoria et Sigmund Freud et le Dr Jekyll et M. Hyde, et pour résoudre - et, en au moins un cas, pour commettre - les crimes de Jack the Ripper à Whitechapel. Pour beaucoup, Jeremy Brett, qui a joué dans la série Granada, méticuleusement « d'époque », entre 1984 et 1994, est le Holmes définitif. Mais il y a des publics modernes qui n'ont peut-être jamais entendu parler de Conan Doyle, pour qui Holmes et l'aventurier Robert Downey Jr dans les films de Guy Ritchie, ou Benedict Cumberbatch dans la série brillamment modernisée Sherlock, ou Jonny Lee Miller dans la série CBS Elementary, avec sa compagne Dr Joan Watson.

 Holmes a profité de notre mode du roman néo-victorien. De nouveaux médias et Internet n'ont fait que lui donner un second souffle posthume. Les histoires sur Holmes ont été soumises aux 'mash-ups' [mélanges] où on colle le texte d'origine à une autre oeuvre ou le marie à un autre genre (comme Orgueil et Préjugés et des Zombies). Quelqu'un veut du Shreklock ? Holmes se prête naturellement au steampunk, des histoires qui ont lieu dans un univers parallèle à une époque victorienne alternative. Holmes et Watson sont des sujets privilégiés dans la fiction « slash », où on invente une relation homosexuelle entre des personnages fictifs, et de nouvelles histoires à leur sujet ont apparu en ligne, du pornographique au romantique et sucré. Dans les BD et les dessins animés, le pastiche, les produits dérivés et les livres académiques, l'esprit de Holmes est bien en vie.

Pourquoi est-ce que ce personnage continue à nous hanter ? Si nous étions véritablement au courant du secret de l'immortalité de Holmes, nous pourrons peut-être tous écrire des « best-sellers ». Conan Doyle lui-même ne pouvait pas tout à fait comprendre l'appel de son détective. Mais certains aspects de sa fascination unique semblent assez clairs. À l'aide de ses triomphes cérébraux et son excentricité pleine d'imagination, il offre un mélange séduisant de science et de poésie : la poésie humanise la science et la science semble arrimer la poésie dans la réalité. Qu'il soit armé d'une loupe ou d'un téléphone portable, nous reconnaissons en Holmes quelqu'un qui vit dans la modernité, dans notre monde. Finalement, Sherlock Holmes n'est pas plus un personnage au singulier que ne l'est Don Quixote. Il fait partie d'une alliance interdépendante. Dans la vie après la mort, ainsi que dans la vie, le spectre de Sherlock Holmes serait perdu sans celui du Docteur Watson.

 

Douglas Kerr est professeur d'anglais à l'université de Hong Kong. Il a écrit Conan Doyle: Writing, Profession and Practice [L'écriture, la profession et l'exercice].

23 juillet 2013

Sherlock s’y connaissait en chimie

Auteur : James F. O’Brien

Date : 8 avril 2013

Source : Oxford University Press Blog (USA)

Sir Arthur Conan Doyle a soutenu qu’il avait écrit les aventures de Sherlock Holmes alors qu’il attendait dans son cabinet des patients qui ne venaient jamais. Lorsque ce conteur né décida d’écrire une histoire policière, il emprunta le concept du détective intellectuel à Edgar Allan Poe qui avait “inventé” l’histoire policière en 1841 lorsqu’il avait écrit Double Assassinat dans la Rue Morgue. Et donc, en 1887, le brilliant Holmes fit ses débuts dans Une étude en Rouge. La seconde aventure d’Holmes, Le Signe des Quatre, est une réécriture du Double Assassinat dans la Rue Morgue (1841). L'orang-outan qui escalada le mur impossible à escalader et tua l'occupant [de la maison] fut remplacé dans l’histoire de Doyle par Tonga, un pygmé des îles Adaman. La troisième aventure d’Holmes, Un Scandale en Bohème, est une réécriture de La Lettre volée de Poe. Au lieu de rechercher la lettre de la Reine de France, Holmes doit trouver la photo compromettante du Roi de Bohème.

Doyle a écrit un total de 60 histoires holmésiennes et la plupart du temps, Sherlock Holmes et le Dr. Watson partagent un logement à Londres. Leur seule vie reflète l’éducation supérieure de l’Angleterre de cette époque. Au 221b Baker Street, les conversation sont remplies de termes mathématiques tels que nombres rationnels, parties coniques et la cinquième proposition d’Euclide. Nous entendons aussi parler d’astronomie : l’obliquité de l’éclipse et les dynamiques des astéroides. Mais Sherlock est un chimiste dans l’âme. Stamford dit à Watson avant même qu’il ne rencontre Holmes que ce dernier est “un chimiste de première classe.” Une référence à la chimie est faite dans presque chacune des histoires. Cela va d’éléments comme le zinc (Zn) et le cuivre (Cu), aux produits industrialochimiques tels que l’acide sulfurique et la pourpre de Tyr (une teinture).

Watson, le narrateur, fait de la devotion d’Holmes pour la chimie un fait très clair. Alors qu’Holmes était encore étudiant, il passa ses vacances de Noël à travailler sur des expériences de chimie organique. Holmes avait un tableau périodique dans leur appartement de Baker Street. Et, à une occasion, au moins, les odeurs conduisirent Watson à monter des hypothèses [sur ce qu’Holmes pouvait bien faire]. Une autre fois, Holmes arrêta de travailler (pour un temps) sur une affaire parce qu’il avait “une analyse chimique intéressante à terminer.” Sherlock n’a résolu pas la plupart de ses enquêtes grâce à la chimie, mais le chimiste, lui, trouve des choses intéressantes dans presque toutes les 60 histoires.

Arthur Conan Doyle était également à l’avant-garde des innovations médico-légales. Holmes utilisait les empreintes digitales (avant même Scotland Yard), les traces de pas, les chiens, l’analyse de document (avant même que le FBI n’ouvre sa section document) et la cryptologie. Après la mort de Doyle, il fut noté que,

“Les poisons, l’écriture (à la main, sur papier), les tâches (de sang), poussières, traces de roues, la forme et la position des blessures, la théorie des cryptogrammes — toutes celles-ci et d’autres excellentes méthodes qui germèrent dans l’imagination féconde de Doyle font maintenant partie intégrante de l’équipement scientifique de tous les policiers.”

Il y a plus de science dans la première moitié du “Canon” et sa prédominance a clairement affecté la popularité des histoires en elles-mêmes. Ces aventures d’Holmes furent classées plusieurs fois et les résultats montrent clairement que ces histoires qui contiennent de la science sont préférés à celles qui n’en ont pas. Même le classement personnel de Conan Doyle correspond à cette idée. En 1927, il a listé ses histoires favorites — 19 des 60 totales. Quinze provenaient des 30 premières histoires et seulement quatre des 30 dernières. D’autres classements ont montré le même résultat. En 1959, le Baker Street Journal a listé les résultats d’un sondage qui identifiait les dix meilleures histoires de Sherlock Holmes et les dix plus mauvaises. Huit des dix meilleures provenaient de la première moitié ; tandis que neux des dix plus mauvaises provenaient de la dernière partie. Sherlock était, et est, un détective que tous les scientifiques peuvent aimer.

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 > >>
L'interprète grec
  • Traductions en français d'articles sur Sherlock Holmes écrits en anglais. N'hésitez pas à nous demander de traduire un article. If we have translated your article and you object to its reproduction, please contact us and we'll remove it immediately.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité