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L'interprète grec
15 août 2012

Jane Eyre et Sherlock Holmes en pornographie pour les mamans ?

Auteur : Russell Smith
Date : 25 juillet 2012
Source : The Globe and Mail

ATTENTION : Il se peut que cet article vous choque. Il concerne une réécriture du roman Une étude en rouge (ainsi que d'autres classiques, pour la plupart victoriennes), en roman érotique - avec, pour être précise, une relation explicite entre Holmes et Watson. Dans l'article il y a un extrait du roman en question.

Étant donné le thème de cet article, beaucoup d'articles au sujet expriment l'avis du journaliste. Ce journaliste-ci semble trouver le concept amusant. J'ai choisi celui-ci au hasard, parce qu'il y a un extrait, pas pour en présenter un qui exprime mes propres opinions.

Aucun des articles que j'ai lu sur ce sujet n'a mis en doute l'inclusion de Sherlock Holmes dans la liste d'histoires d'amour sans scènes explicites.

J'ai traduit cet article pour ceux qui sont intéressés et ceux qui aimeraient être au courant de ce livre même s'ils ne sont pas intéressés. S'il est probable que cela vous vexe, je vous conseille d'éviter de le lire. 

 

Les romans classiques du XIXème siècle étaient-ils en réalité de la pornographie pour les mamans ? Voici l'hypothèse de la maison d'édition en ligne Total E-Bound, qui a publié une nouvelle série de livres en ligne ('Clandestine Classics' [Classiques Clandestines']) avec, parmi d'autres, les titres suivants : Northanger Abbey (par Jane Austen et Desiree Holt), Jane Eyre (par Charlotte Bronte et Sierra Cartwright) et Sherlock Holmes : Une étude en rouge (par A.C. Doyle et Sarah Masters). Ce qu'ils ont fait est assez simple et facile : ils ont pris le texte de ces romans célèbres, et ils y ont ajouté des scènes sexuelles explicites. Jane passe une nuit d'amour passionnée avec M. Rochester avant de le quitter ; Elizabeth se fait entraîner par M. Darcy dans un bois isolé, en vue de quelques combines prénuptiales ; et Sherlock Holmes réalise le désir charnel et secret qu'il éprouve pour M. [sic] Watson.

Voilà un concept moderne. Il y a deux cent ans, on supprimait les passages paillards des pièces de Shakespeare, pour protéger les tendres oreilles des écoliers - un processus qu'on appelait le Bowdlerisation, d'après le moraliste qui a entrepris ce travail (et en a gagné beaucoup d'argent). Maintenant, on s'est mis à faire l'opposé : ajouter de la lubricité au canon, où il n'y en avait pas. C'est l'anti-bowdlerisation - on a besoin d'un nouveau mot pour le décrire. (La sextrapolation?)

Les scènes explicites qu'on a ajoutées sont écrites dans une sorte de pseudo-langage du XIXème siècle, pour essayer de les faire bien coller. Les livres sont peu chers - moins de $5 - et l'entreprise se vante du fait qu'on ne paie que pour ce que leurs « auteurs » ont ajouté, pas pour le contenu original.

C'est un soulagement. Voici un aperçu de ce qu'on a ajouté, qui vient du livre Sherlock Holmes (ATTENTION : passage assez explicite) :

« Dans l'année 1878 j'ai pris mon diplôme en médecine à l'Université de Londres, d'où je suis allé à Netley pour suivre le cours prescrit pour les chirurgiens militaires. C'était assez dur, de me trouver parmi tant d'hommes, étant celui qui - et ce qui - je suis. Je suppose qu'on ait pu le deviner… Comment pourrais-je expliquer que la souplesse d'une femme ne m'attirait pas ? Que je n'avais pas envie d'explorer les gonflements de leur poitrine ? Que je préférais les plans qui appartenaient aux hommes, les mamelons plus petits que j'avais un fort désir d'effleurer avec ma langue ? »

Les scènes explicites dans les livres néo-Austen et néo-Bronte sont agréablement franches et sans inhibitions, mais elles ont quand même tendance à atteindre leur summum dans les clichés de la pornographie pour les mamans. L'orgasme « cataclysmique » prévisible après chaque acte doit beaucoup au vocabulaire et à l'expérience sexuelle limités d'une certaine E.L. James [auteure de 50 Nuances de gris, roman pornographique, pas encore sorti en France, qui a été dévoré par les femmes d'un certain âge aux États-Unis et en Angleterre].

L'entreprise a projeté une grande variété de classiques « mis à jour » avec des scènes explicites, tirés, bien sûr, uniquement du domaine des oeuvres dont les droits d'auteur ont expiré. Très bien pour eux - les romans du XIXème siècle, surtout ceux avec des influences Gothiques, conviennent, en effet, au traitement de 50 Nuances de gris, puisqu'ils contiennent déjà les matières de base de n'importe quelle histoire d'amour à la Harlequin [maison d'édition américaine qui publie des romans d'amour] : l'antagoniste sévère et dominateur, la protagoniste vierge et impuissante, la menace subtile de la coercition, la promesse de l'amour éternel.

La maison d'édition et ses fans protestent qu'ils ont eu leur idée bien avant le succès d'E.L. James, et qu'il y a depuis plusieurs année de la fiction érotique qui vise les femmes. Leurs détracteurs sont naturellement furieux d'apprendre que ces oeuvres canoniques se sont faites corrompre. Ils disent, et justement, que le manque de contact sexuel entre les personnages des oeuvres de Charlotte Bronte, par exemple - la répression, pourrait-on le dire - n'est pas que le résultat de la pudicité archaïque, mais une partie essentielle de l'intrigue. L'histoire tourne autour du fait qu'on ne fasse pas l'amour.

Mais les puristes devraient se détendre. Les romans classiques sont les matières de base des oeuvres de n'importe quel écrivain débutant - on ré-écrit sans cesse les livres qui nous ont influencés. Nous les modernisons et les bouleversons - nous les expurgeons, selon certains critiques - en les ré-écrivant, nous les utilisons et les conquérons, et nous nous les approprions. Shakespeare a tiré presque toutes les histoires qu'il a écrites d'une autre source. La corporation Disney crée ses dessins animés comiques et hyper-modernes à partir de contes et de légendes classiques. La fanfiction [histoires écrites par des fans, à propos des personnages de leur oeuvre préférée, où en général ils décrivent ce qu'ils aimeraient voir dans l'oeuvre originale, ou ce qu'ils pensent « manquer »] ajoute le sexe illicite aux narrations étroitement contrôlées des autres, dans un débouchage des fonts de désir réprimés dans les textes d'origine, depuis maintenant des décennies.

La fiction à propos des relations romantiques est toujours érotique. Je suis content qu'on commence à être plus honnête à ce sujet. Et également content si cette nouvelle série détendue mène plus de gens à découvrir Jane Austen, avec son esprit, son humour caustique, et sa sagesse inimitables. Je suis sûr qu'ils sauront quelles parties du texte sont les siennes.

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